J’ai pas fini mon rêve d’Henri Gougaud

La multiplicité d’être au monde

par ALPHONSE CUGIER
Publié le 24 décembre 2020 à 11:45

« La matinée se lève. Toi debout, il est temps. Attends encore, attends. J’ai pas fini mon rêve. Le soleil nous inonde. Regarde-moi ce bleu. Attends encore un peu. Je refaisais le monde. » Le lecteur aura reconnu la chanson interprétée par Jean Ferrat et Christine Sèvres. Henri Gougaud en est le parolier comme il le fut pour Juliette Gréco, Marc Ogeret, Francesca Solleville, Serge Reggiani. Cet amoureux des mots et de leur musique, né à Carcassonne en 1936 dans une famille de résistants, fait ses débuts de chanteur à Paris en 1962 à l’Écluse, cabaret dont il apprécie le public.

Cœur battant et passion d’autrui

L’appel du conte lui parvient en lisant les Mille et Une Nuits avant de monter sur scène lors d’une fête de l’Huma. Présentant à Claude Villers son livre sur la science-fiction, il est invité comme conteur à l’émission « Marche ou rêve » sur France Inter. Il participe dès lors à la renaissance de l’art du conte, en écrit plusieurs recueils pour Albin Michel. Auteur de romans dont celui sur Louise Michel, engagée pour la justice sociale lors de la Commune, il a aussi édité les Poèmes politiques des troubadours et les Lettres de prison de Rosa Luxemburg. Le livre est fait de souvenirs transmis à son fils, écrits d’une plume vivante qui marie légèreté, émotion et gravité, souvent enjouée. À une époque où l’inédit se fait rare, cette prose emprunte à l’occasion la versification de la poésie, une belle offrande. Henri Gougaud oppose la fraîcheur de son regard à la dureté de la société et sa lucidité est une fidélité qui dit le plaisir et l’exigence d’être en accord avec soi. Le fait d’être le conteur, le poète de sa vie fait de lui le lieu d’une réflexion sur le monde et l’Histoire qui l’a façonné. Des pensées qui nous font signe.

J’ai pas fini mon rêve d’Henri Gougaud, éditions Albin Michel, 256 pages, 19,90 €.