Le gosse de Véronique Olmi

par ALPHONSE CUGIER
Publié le 15 avril 2022 à 11:21

Dans l’entre-deux-guerres, Joseph, 7 ans, un titi parisien fier de l’être, orphelin de père, vit aux côtés de sa mère empreinte de gaieté et de joie de vivre, couturière en parure de plumes, de sa grand-mère qui n’a plus toute sa tête et de ses copains du quartier de la Bastille. À la mort de sa mère, causée par l’intervention d’une faiseuse d’anges, il est déclaré pupille de l’État et placé dans une famille d’accueil qui l’exploite. Il s’enfuit, mais repris, est envoyé à la prison de la Petite Roquette, avant d’être dirigé vers la colonie agricole pénitentiaire de Mettray, ancêtre du bagne pour enfants. Le régime auquel il est soumis est appelé « protection de l’enfance ». La République a bonne conscience : six années durant sous la férule, Joseph a vu s’éteindre son humeur joyeuse et sa confiance en lui, celle qu’il avait dans son Paris et dont Véronique Olmi évoque l’atmosphère chaleureuse, les éclats de lumières, de couleurs, de voix, les moments bruissants. Survivre, sortir du cauchemar quotidien… un geste de solidarité, une amitié qui se noue… La musique renverse le cours des choses, « jouer c’est traverser la nuit ». Un homme est venu aux répétitions, les barreaux qu’il avait construits dans sa tête disparaissent, houle de bonheur longtemps réfrénée. L’horizon s’éclaircit, égayé par l’avènement du Front populaire. « Écrit à la hauteur de Joseph », Véronique Olmi retrouve du dedans le chaos de perceptions au milieu duquel il a grandi, fabuleuse réappropriation intérieure de l’enfance.

Éditions Albin Michel, 298 pages, 20,90 €.