L’Art de mentir. Adolf Hitler & Compagnie

Leurre de vérité

par ALPHONSE CUGIER
Publié le 26 janvier 2021 à 17:26

Retrouvailles avec un clairvoyant anti-« fake news », aide-mémoire et guide pour les temps présents.

« Radio Paris ment. Radio Paris est allemand » : l’humoriste Pierre Dac, speaker de l’émission Les Français parlent aux Français à Radio Londres, raille allègrement, sur l’air de la cucaracha, l’émetteur de propagande vichyste et allemande et rend populaire le slogan de l’animateur de l’équipe de France libre Jean Oberlé. Au même moment, un manuel de contre-propagande est publié en 1944 sous l’égide du Bureau d’Information anglo-américain et dont les éditions Wombat nous gratifient d’une réimpression. Ce fascicule réfute quelques uns des discours, déclarations et écrits d’Hitler, Goebbels, Mussolini et autres inféodés, propagés par les journaux, radios et actualités cinématographiques, dont ces préceptes édictés par Hitler dans Mein Kampf auxquels les gouvernements français et anglais auraient dû ou n’ont pas voulu prêter attention, le führer y dévoilant sa stratégie : « Un mensonge colossal porte en lui une force qui éloigne le doute. »

Couleur du mensonge et humour en flagrants débits

Hitler a réussi à rendre la vérité méconnaissable, il s’en glorifie, autosatisfaction et vertu d’excellence !!! Avec les annonces de ceux qui se croyaient les « Maîtres du monde », nous sommes en présence de dieux de la duplicité. Concernant les garanties données par l’Allemagne à l’Autriche, Tchécoslovaquie, Danemark, Pologne, Belgique… pas une parole, par un geste qui ne s’accompagne de leur contraire. Quant à la culture, la radio allemande déclare que les troupes ont respecté l’universalité de la culture européenne et protégé les trésors artistiques ; la spoliation a été chiffrée en centaines de milliers d’œuvres, dépossession massive et planifiée. Ce recueil de contre-propagande destiné à être diffusé dans les pays francophones fut rédigé de manière anonyme par des résistants français ayant rejoint Londres. C’est un dessinateur britannique de la revue satirique Punch, Rowland Emett (1906-1990) qui illustra L’art de mentir. Rire politique subversif, art militant de la charge, avec des personnages d’un vert et jaune maladif ou sinistrement menaçant. Genre difficile que celui de marier l’ironie et le tragique, Emett y parvient avec une sorte d’insolence paisible qui débusque la sournoise bénignité affichée par les nazis. Avec cette mise à nu graphique de la politique d’agression et de pillage d’Hitler, Emett pense plus vite que des politiques dont la défense de la démocratie laissait singulièrement à désirer et qui, de surcroît, acceptaient que la vérité se grime. Salutaire leçon d’histoire. Alors que le mensonge a depuis quelque temps le vent en poupe, ce petit précis de lucidité nous invite à méditer, surtout quand tout un chacun, nomade virtuel branché aux réseaux sociaux, consomme à domicile ces nouveaux médias dont certains ont la spécialité de propager des fake news, cet art de mentir en toutes circonstances, même dans les aveux.

Éditions Wombat, collection Les Intempestifs n° 5, 48 pages, 9 illustrations des mensonges les plus flagrants, 13 €.