Chez les anarchistes

Meckert en rouge et noir

par PIERRE GAUYAT
Publié le 24 juin 2021 à 19:08

Jean Meckert (1910-1995) est un auteur plein de ressources et de surprises, il publie un nouveau bouquin ce mois-ci ! Il s’agit d’un recueil de reportages et de nouvelles au titre prometteur : Chez les anarchistes. Le livre rassemble des textes parus dans la presse dans les années d’après-guerre qui correspondent aux années où Meckert est un jeune espoir de l’écurie Gallimard. Mais au milieu des années 50, il doit renoncer à l’élégante livrée crème à liseré rouge et noir de la Blanche pour migrer vers la jaquette plus prolétaire de la Série noire. Il mène alors, sous le pseudonyme de Jean Amila, une carrière d’auteur de polar remarquée et annonciatrice de la génération suivante, celle qui éclot après 1968, avec Jean-Patrick Manchette, Jean Vautrin, ADG ; puis, à la fin des années 70, Frédéric H. Fajardie, Didier Daeninckx, Thierry Jonquet ou Jean-Bernard Pouy. Au fil des quinze textes qui composent ce recueil, on retrouve quatre reportages, qui appartiennent à la série « Comment diable vivent-ils ? », qui relatent les difficultés de vie et de travail dans les milieux populaires de la région parisienne après la guerre. « Chez les anarchistes » nous transporte dans une réunion anarchiste de même que « Les Spectres », révolutionnaires sans Révolution. Il parvient même à nous entraîner chez un pasteur protestant bien sympathique. Parfois, le ton se fait plus dramatique comme dans « Ça sent le gaz ! » où l’arrivée de l’auteur empêche une cousine de commettre l’irréparable et de faire sauter son immeuble, par la même occasion. Toujours dans un registre tragique, on peut citer une enquête parue en 1953 dans France Dimanche, sur l’affaire Dominici. Jean Meckert, écœuré par les pratiques d’une certaine presse, regarde les événements avec un œil neuf, revenant sur les clichés méprisants et mensongers de certains journalistes qui ont déjà condamné le vieux Dominici. Il consacrera un livre à cette affaire en 1954, La Tragédie de Lurs, puis un polar en 1972, Contest-flic. Ces textes rappellent ceux d’un autre auteur Gallimard qui a connu une longue éclipse avant de trouver un nouveau lectorat, Henri Calet, écrivain des humbles et des quartiers populaires de Paris. En effet, on retrouve chez Meckert ce regard plein de tendresse que les écrivains issus des classes populaires posent sur leurs semblables. Ces quinze textes nous offrent un nouvel aspect du talent de Jean Meckert. Il ne faut surtout pas s’en priver !

Chez les anarchistes, reportages, nouvelles et autres textes, Jean Meckert, éditions Joseph K., 128 pages, 12 €.