Fourmies la Rouge, une BD d’Alex W. Inker

Quand l’armée tirait sur les manifestants du 1er mai

par JEAN-JACQUES POTAUX
Publié le 4 juin 2021 à 14:38

Le dessinateur Alex W.Inker a réalisé une très belle bande dessinée sur le 1er mai de Fourmies de 1891. Originaire de la ville (ses grands-parents et plusieurs membres de sa famille travaillaient dans le textile), il a, dans son enfance, connu la ville à une époque où les usines existaient encore. Pour aller au lycée, il traversait la place sur laquelle le massacre a eu lieu. Le 1er mai de Fourmies suit celui de Chicago en 1886. Les ouvriers en grève manifestaient pacifiquement pour la journée de travail de huit heures quand l’armée a tiré sur la foule. Il y eut dix morts, huit ayant entre 11 et 20 ans. Le Lebel, fusil emblématique du poilu conçu pour la revanche contre l’Allemagne après la débâcle de 1871, fut utilisé pour la première fois contre les manifestants. L’auteur a travaillé à partir de photos, utilisant la plume dans l’esprit des illustrations de presse de l’époque. Chaque personnage est singularisé, représentatif du monde ouvrier, contrairement à la troupe, présentée comme une masse sous l’uniforme, à l’exception d’un soldat qui refusa de tirer. L’histoire est présentée sur une journée. Il y a peu de texte, les personnages s’exprimant en patois. « En laissant souffler le lecteur, il peut réfléchir aux images, au langage des briques et des cheminées. J’ai souvent l’impression de faire du théâtre de marionnettes, de jouer avec des silhouettes en papier. Un objet, un vêtement, une manière de manger suffisent pour évoquer l’époque et le milieu social »confiait l’auteur à l’Humanité. Le 1er mai de Fourmies demeure d’une grande actualité même si l’épidémie a empêché qu’un grand rassemblement soit organisé dans la ville pour le 130ème anniversaire de l’événement. Les grandes fortunes des industriels qui se sont construites à cette époque sont toujours en place. L’alliance de l’État et des grandes fortunes est toujours d’actualité ainsi que la manipulation de l’opinion. Authentique œuvre d’art en raison des dessins, cette bande dessinée constitue également un remarquable outil pédagogique pour faire connaître aux jeunes l’histoire de notre région, alors qu’on essaie d’effacer le passé industriel de Fourmies. Le 1er mai dernier, le maire de droite n’a pas même évoqué la fusillade lors de sa prise de parole.

Fourmies la Rouge, Alex W. Inker, éditions Sarbacane, mai 2021, 112 pages, 19,50 euros. L’auteur sera à Dunkerque le samedi 5 juin à 15 h pour une dédicace de son ouvrage à la librairie Aventures BD, 21, place du Beffroi.