André Stil en visite à Liberté en 1985. © Archives Liberté
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Redécouvrir André Stil

par JEAN-LOUIS BOUZIN
Publié le 17 juin 2022 à 12:39

L’écrivain aurait eu 100 ans en 2021. Le Printemps culturel du Valenciennois publie, à cette occasion, une étude approfondie de l’homme et de son œuvre.

André Stil, un écrivain du Nord dans le 20e siècle est le fruit de rencontres successives en 2011, 2013, 2015 et 2017 à la médiathèque de Valenciennes, réunissant enseignants, chercheurs, amis de l’écrivain. Ce livre restitue l’essentiel de leurs travaux. On y apprend beaucoup. Nous voici donc de retour au pays des mines, à Hergnies, où tout commence pour ce gamin de milieu modeste, père tailleur et cabaretier. Le jeune André aurait pu prendre le chemin de la fosse ou de l’usine s’il n’avait eu d’évidentes dispositions pour les études. Brillant élève du lycée Wallon à Valenciennes, étudiant à Lille, il commence à enseigner à Fenain puis au Quesnoy où il habite avec « Moun », la femme de sa vie, pour qui il a éprouvé très tôt un véritable coup de foudre. Il est tombé en amour aussi pour les mots. « D’où ça vient les mots ? D’où ils montent ? » Lui qui tâte du grec et du latin découvre que le patois, regardé parfois de haut, s’avère plus proche du latin que le français. Stil expliquera que le patois, « poésie des privés de poésie », avait contribué à le pousser vers... le surréalisme. De même que « les souffleries des fours d’Usinor Denain et l’aspect irréel du ciel qu’il voyait de la fenêtre de sa chambre à Hergnies ».

Poète surréaliste d’abord

André Stil dans le sillage d’André Breton ? Il nous était arrivé de lire, ici ou là, qu’il avait été d’abord un « jeune poète surréaliste », sans y prêter davantage attention. Les amis d’André Stil nous révèlent combien le surréalisme fut, non pas une passade, mais un moment déterminant dans le parcours du jeune écrivain qui, de son propre aveu, ne s’en détachera jamais. « Je crois que c’est dans le surréalisme que réside la clé du réalisme », dira André Stil en 1979. Picasso l’avait dit autrement : « Tout ce qui peut être imaginé est réel. » Picasso justement qui, avec d’autres artistes, aidera le groupe semi-clandestin de « La main à plume » créé, au seuil des années quarante, par Stil et quelques autres jeunes auteurs. Le groupe livrera en tout une dizaine de publications collectives et une trentaine de plaquettes individuelles. Stil rédige alors de nombreux textes poétiques et édite Les cahiers du quatre-cent-vingt-et-un, dans des conditions difficiles. La France est occupée. Cette activité est déjà de la résistance. Mais André Stil va au-delà. Il rejoint le Front national, participe aux combats de la libération au Quesnoy en septembre 1944. Dans l’effervescence de la liberté retrouvée, le voilà, en janvier 1945, Grand’Place à Lille, intégrant l’équipe du journal justement nommé Liberté. Période exaltante où tout paraît possible. Stil a mis, sans s’en douter, le pied dans une aventure qui l’amène à quitter le monde enseignant pour le journalisme et la parole politique. Elle lui fait dépasser le surréalisme pour une autre écriture, un changement dans la continuité. « Le mot mineur, camarades », titre de son premier ouvrage en prose, « était encore un peu surréaliste », dira plus tard André Stil qui, par ailleurs, ne lâchera jamais la poésie. En atteste ce recueil de vers publié en 1992 : Au mot Amour.

Le Nord jamais bien loin

Lille n’est qu’une étape. Stil, appelé à Paris par Aragon, passe brièvement par le journal Ce soir, puis est propulsé rédacteur en chef de l’Humanité. Une vie qui n’est pas de tout repos, surtout quand on se lève, chaque matin, à cinq voire quatre heures pour trouver le temps d’écrire romans et nouvelles avant de se rendre au journal. Une vie mouvementée qui vaudra à André Stil de dormir plusieurs mois en prison, notamment pour des articles contre la guerre d’Indochine. Cela lui donnera, au moins, le temps d’achever le troisième volume du Premier choc. Une vie enfin qui, malgré ce sourire affiché en permanence, ne sera pas exempte de drames personnels. L’écriture l’aidera à les surmonter. Après dix ans de rédaction en chef, André Stil prend en main la chronique Livres de l’Humanité, siège toujours au comité central du PCF et se voue plus que jamais à sa passion : écrire. Bien qu’ayant souvent précisé qu’il n’était pas un « romancier communiste » mais « romancier et communiste », le simple fait d’introduire des ouvriers dans l’univers romanesque lui valut quelque méfiance de la part de certains cercles littéraires. Son œuvre, qui ne se réduit pas à ce fait, n’en finit pas moins par obtenir une réelle et juste reconnaissance. En témoigne son entrée à l’Académie Goncourt. En 1970, André Stil s’installera définitivement à Thuir, dans les Pyrénées. Mais le Nord ne sera jamais bien loin. Il y remontera de temps à autre. Hergnies, Le Quesnoy, l’enfance, les gens dits « ordinaires », la vie avec ses bons et mauvais tours, resteront ses sources d’inspiration permanentes. Avec, en filigrane, « la question du bonheur », autrement dit de l’émancipation humaine. L’association du Printemps culturel du Valenciennois, sous l’impulsion de son président Jean-Jacques Potaux, travaille depuis longtemps avec rigueur et passion à entretenir et approfondir la connaissance de l’œuvre d’André Stil. L’ouvrage qui résulte de ce travail constitue désormais une référence, et une invitation à ressortir nos « André Stil » de nos bibliothèques pour le redécouvrir et le faire découvrir aux plus jeunes.

André Stil, un écrivain du Nord dans le 20e siècle, Printemps culturel du Valenciennois, Les éditions NordAvril, 271 pages, 12 €. Sur commande : Printemps culturel, 23, rue Paul-Éluard, BP 45, 59282 Douchy-Les-Mines. Contact : 03 27 43 97 71 / printemps.culturel @ wanadoo.fr.