Le Réveil du Tigre de TaDuc et Le Tendre

Un western au temps de l’or noir

par ALPHONSE CUGIER
Publié le 12 avril 2021 à 10:36

1850, Bakersfield en Californie, la fille d’un banquier est retrouvée assassinée. Deux détectives de l’agence Pinkerton mènent l’enquête dont le jeune métis Matt Monroe. Sa mère, avant de décéder, lui avait confié que son père ignorait son existence. Matt décide de retrouver ce père, un immigré chinois, Chen Long dit Chinaman qui, âgé, brisé par les horreurs de la guerre de Sécession et des années de bagne, vit isolé dans la nature et les fumées d’opium. C’est Marcus, un noir qui veille sur lui et qui tente de le sortir de son état d’hébétude pour qu’il recouvre vigueur et détermination d’antan. Les deux auteurs avaient commencé en 1997 une saga en trois tomes que les éditions Dupuis rééditent, un western au temps de la ruée vers l’or et du Transcontinental. Chen Long, avant de travailler parmi la masse anonyme des ouvriers chinois à la construction du chemin de fer, avait été, en tant que maître en arts martiaux, l’exécuteur d’une Triade chinoise.

Règlement de compte parmi les derricks

C’est la mort de Marcus, abattu par des malfrats, qui va lui faire abandonner l’opium et venger son ami. Et ce au moment où la fièvre de l’or noir répand la violence et que son fils inconnu surgit du passé. Tous deux s’opposent aux sbires de la Western Petroleum Company dont les dirigeants spolient les fermiers en recourant à des méthodes crapuleuses : enlèvements et chantage pour les obliger à signer les contrats de vente de leurs terres. Chinaman, un revenant, cavalier de l’Apocalypse comme le Clint Eastwood de Pale Rider ou d’Impitoyable, se lance aux côtés de son fils dans une lutte sans merci, réveil et confrontation finale en apothéose dans le rouge des flammes et du sang. Le récit, implacable réquisitoire à l’encontre des affairistes, croise habilement les parcours individuels. Le dessin n’est pas en reste, il vit, évolue sans cesse, tant au niveau de l’échelle des plans, cadrages et points de vue que des tonalités comme ce rappel des massacres de la guerre en teintes terreuses maculées de sang. Un combat à hauteur d’homme, sans échappatoire, porté par une mise en scène étourdissante de mouvement et de précision, en rapport constant et dynamique avec les paroles des personnages. Les deux auteurs confèrent au Tigre un chant du cygne tout en impétuosité, véhémence et nuances.

Le Réveil du Tigre de TaDuc et Le Tendre, éditions Dupuis, Air libre, 23,7 x 31 cm, 136 pages, 28,95 €.