75 ans de Liberté Hebdo

De l’utilité de « Comme un air de liberté » dans la bataille pour les retraites

par JEAN-LOUIS BOUZIN
Publié le 3 février 2020 à 11:42

Si, mercredi 22 janvier, les grévistes de la centrale de Gravelines recevaient Philippe Martinez à bras ouverts, certains journalistes en revanche étaient accueillis aux cris de « collabos » ! Voilà ce qui arrive quand on fait passer les honnêtes gens qui s’opposent à la casse des retraites, au mieux pour des « irresponsables », au pire pour des « délinquants  » qui mettraient en péril l’économie et « ruineraient la France ». Un exemple parmi d’autres : le lendemain de l’initiative de Gravelines, LCI montrait Emmanuel Macron dans l’avion le ramenant de Jérusalem en train de pester contre les mécontents. Et le présentateur de renchérir par un... « cette violence sociale pose effectivement problème ».

Il est clair que la bataille contre le système de retraite que le pouvoir s’acharne à vouloir infliger à un pays qui le rejette, se joue en partie sur le terrain de l’opinion et donc de l’information. Voilà qui nous ramène au hors-série de Liberté Hebdo « Comme un air de liberté », on ne peut plus d’actualité puisque consacré essentiellement au droit à être informé présenté comme « une liberté à reconquérir ! » Où est, en effet, cette liberté dont Victor Hugo disait qu’elle « n’est pas moins sacrée que le principe du suffrage universel », quand la communication gouvernementale tend à dominer l’information ? Et d’abord, comment peut s’exercer le droit des citoyens quand dix milliardaires du BTP, de l’armement, du luxe, de la téléphonie, dont certains ont contribué à placer Emmanuel Macron sur orbite présidentielle, s’approprient 89,9 % des quotidiens, 55,3 % des parts télé et 40,4 % des parts radio ? L’information relèverait-elle désormais davantage du droit privé que du droit public ? Reporters sans frontières, en 2017, observait qu’en France « la concentration de la plupart des grands médias n’a jamais été aussi avancée (...) aggravant ainsi leurs dépendances aux pouvoirs politiques et économiques ».

Selon le Baromètre 2020 Kantar-La Croix, 12 % seulement des citoyens font confiance aux médias pour traiter les mobilisations sociales. Leur crédibilité est au plus bas. En 2005 déjà, le chœur des commentateurs chargés de faire entrer dans les têtes le « oui » à la constitution européenne, s’était retrouvé fort dépourvu lorsqu’une majorité de Français avait décidé de voter « non  ». La France souffre d’une triple fracture : sociale, démocratique et... médiatique. Sur ce dernier point, il est urgent de rouvrir le débat. « Comme un air de liberté » a été fait pour cela.