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Grand débat Scam

La concentration des médias en question

par Christophe FORESTIER
Publié le 8 octobre 2021 à 13:17

Depuis plus de dix ans, on observe une tendance au regroupement des médias. Un phénomène qui s’est particulièrement accéléré l’année dernière et qui pose des problèmes de ligne éditoriale ne garantissant pas la pluralité des opinions, voire de confiance envers l’information et les journalistes. Mais des solutions existent.

La concentration des médias pose-t-elle problème ? Existe-t-il un risque pour la qualité de l’information délivrée ? C’est sur ces questions que s’est penchée la Scam, société civile des auteurs multimédias, au cours de son traditionnel débat programmé au Figra (Festival international du grand reportage d’actualité), qui s’est déroulé samedi 2 octobre. Après une rapide introduction de Jean-Pierre Canet, animateur du débat et documentariste, une question sous-jacente a vite émergé, celle du modèle économique et des ressources de fonctionnement des médias, qui assurent in fine au public un accès à une information de qualité. Xavier Couture, producteur de télévision, rappelle que pour les médias de service public en France, ce financement vient de la redevance, ce qui permet une forme d’indépendance sans intervention politique avec des lignes éditoriales autonomes.

Une accélération des regroupements

Mais pour les médias privés, la question de la concentration, et de ses risques, se pose depuis 2010, avec l’arrivée des géants des télécom dans le monde des médias, tel Xavier Niel, le patron de Free, qui a investi dans le Monde. Un phénomène qui s’accélère depuis environ un an. Julia Cagé, économiste spécialiste des médias, base son raisonnement sur deux cas récents : le projet de fusion entre TF1 et M6 et l’offre d’achat du groupe Lagardère par Vivendi, ces deux rapprochements devant encore être soumis à l’avis de l’autorité de la concurrence. Dans le cas TF1-M6, l’entité qui en découlerait pourrait alors représenter 75 % de part de marché publicitaire, chose qui n’existe pas à l’étranger. L’existence d’un tel « monstre », explique-t-elle, poserait un problème de pluralisme car il constituerait un tiers de l’audience télévisuelle. Car la concentration des médias privés est aussi une question d’influence. Investir dans un média, pour un homme d’affaires ou un homme politique, c’est espérer peser sur la ligne éditoriale du titre et sur ses contenus en instaurant une forme de censure. Julia Cagé abonde ce propos en s’appuyant sur l’actualité récente et la condamnation de Nicolas Sarkozy, une information qui a été traitée différemment selon le média. Le cas de Vincent Bolloré est alors évoqué. La création de CNews, sur les cendres d’iTélé a permis de fusionner business et idéologie à en croire Isabelle Roberts, présidente du site indépendant Les Jours, qui affirme que cet exemple montre que l’on peut se débarrasser d’une rédaction.

Droit d’agrément

Dans la salle, certains font part de leur « peur d’aller chercher l’information » comme cette dame qui redoute un manque d’honnêteté de l’information. Des solutions existent pourtant, lui assure Julia Cagé. Il faudrait commencer par redonner du pouvoir aux journalistes en mettant à jour le droit d’agrément, principe qui leur permet de valider, ou de refuser, le nom des actionnaires, et donc d’avoir un rôle sur la ligne éditoriale. Pour Isabelle Roberts le journalisme a surtout besoin du public qui doit se battre pour la qualité de l’information qu’il consomme en soutenant, via un abonnement, les médias indépendants, ces derniers ne touchant que très peu d’aides publiques en comparaison des grands groupes qui concentrent de nombreux médias.

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Figra Scam