Les quinze jurés réunis ce samedi matin dans la salle 3 du cinéma Majestic de Douai ont entre 10 et 13 ans. Comme leurs aînés, ils vont assister à la projection des plusieurs films, quatre documentaires de la sélection officielle de moins de quarante minutes, afin de déterminer leur coup de cœur. C’est Marie Delinotte, médiatrice éducation aux médias et aux images d’information pour le Figra, qui a sélectionné ces films. « L’idée, c’est de permettre aux élèves d’éduquer leur rapport à l’image et au documentaire » explique Caroline Fromont, coordinatrice du CLEMI (Centre de liaison de l’enseignement et des médias d’information) de l’académie de Lille, qui anime avec elle cette journée. Les enfants vont visionner tour à tour Les Fugitives, d’Alice Gauvin ; Lesotho, à l’épreuve de la faim, de Catherine Monfajon ; Cuba : le secret de l’île bio, de Thomas Dandois et Maracaibo, génération sacrifiée, de Roméo Langlois et Jorge Benezra. Après chaque documentaire, les deux animatrices décryptent et analysent les images avec les enfants, les amenant à « comprendre les objectifs, révéler les situations » et surtout, à connaître le travail des journalistes. Chaque documentaire ouvre la porte à une myriade de réflexions à laquelle participent, plus ou moins timidement, les enfants. « Est-ce que vous connaissez l’organisme qui archive les images ? » « Est-ce que le journaliste est dans l’image ? » « Est-ce que le journaliste a eu raison de montrer cela ? »… « Moi, je n’ai pas aimé parce qu’il n’y avait pas assez de commentaires du journaliste. » Voilà l’occasion d’aborder la thématique de la voix off et de la place du journaliste dans son reportage. Car la juxtaposition de documentaires apporte un recul bénéfique à l’analyse et à la compréhension. Mais aussi au débat. « Au contraire, moi je préfère quand le journaliste interroge des gens sur le terrain et pas des experts » développe un autre petit garçon.
Des jurés comme les autres
« L’objectif, c’est aussi le croisement entre les sujets abordés et les valeurs de la République » poursuit Caroline Fromont. Ainsi, face au documentaire sur l’agriculture biologique à Cuba, un petit garçon affirme qu’il « préfère que l’État l’impose aux gens, comme là-bas, parce que c’est pour leur bien, et qu’avec le changement climatique ici, on devrait faire pareil… » Mais c’est le documentaire sur la famine au Venezuela qui a le plus marqué les jurés, confrontés à des images parfois choquantes d’enfants en situation d’extrême dénutrition, condamnés à une mort certaine faute de nourriture et de moyens dans les hôpitaux. « Ça fait mal au cœur » dit une petite fille, qui assure que ça lui a donné envie de « finir son assiette la prochaine fois qu’on lui demandera ». Mais les avis sont partagés sur le droit du journaliste de montrer ces images là. « Il a bien fait car s’il nous l’avait juste dit, cela ne m’aurait rien fait » affirme une petite fille, quand une autre, un peu plus âgée, s’inquiète du respect de la vie privée de ces personnes. « Vous pensez que le journaliste ne leur a pas demandé leur avis ? Quel est l’intérêt de ces mères de montrer leurs enfants comme ça ? » « Pour qu’on les aide », comprend une petite fille. Et face à une séquence en caméra cachée dans un hôpital surveillé, les enfants saluent collectivement le « courage » de la médecin qui prend le risque d’y faire rentrer le journaliste mais moins ce dernier qui « a l’habitude de risquer sa vie, lui ». Après une après-midi de délibérations, les enfants ont finalement tranché en faveur de ce dernier reportage, Maracaibo, génération sacrifiée, « peut-être le plus difficile » selon Marie Delinotte. Tout comme leurs aînés, qui lui ont également décerné le Grand Prix dans la catégorie moins de 40 minutes.
