La semaine dernière, par le fait d’une heureuse correspondance artistique, le Phénix scène nationale Valenciennes présentait en ouverture de saison un spectacle ayant pour trame la vie et mort du peintre Pieter Brueghel l’Ancien cependant que le musée de Flandre inaugurait à Cassel une exposition sur une dynastie d’artistes anversois de cet âge d’or de la peinture flamande des XVIe et XVIIe siècles.
Bruegel et Cie…
De quoi nous faire entrevoir l’extraordinaire effervescence artistique et commerciale qui animait alors la cité anversoise, carrefour international cosmopolite, en plein essor. La ville ne comptait pas moins de 300 ateliers de peintres et sculpteurs produisant à tour de bras, si l’on peut dire les choses ainsi, moult œuvres et chefs-d’œuvre peints ou gravés destinés à de riches commanditaires du cru ou internationaux. C’est l’époque des Bruegel, des Franken, des Jérôme Bosch, Jan Van Eyck, ou encore Pierre Paul Rubens mais c’est aussi l’époque des bouleversements moraux et sociaux liés à la Réforme, du combat de la papauté contre le protestantisme, de l’occupation espagnole et des procès en sorcellerie…
Margot la folle
De sorcières, il en est justement question dans le spectacle conçu et mis en scène par Lisaboa Houbrechts (artiste associée au Toneelhuis) qui fait la part belle à Margot l’enragée (Dulle Griet), figure centrale de l’une des plus célèbres toiles de Bruegel. Cette Margot énigmatique va nous entraîner dans une cavalcade de séquences et tableaux vivants où le foutraque côtoie le surréel cependant qu’un compte à rebours dans le temps égrène, année après année, l’interminable litanie des guerres qui n’ont cessé jalonner notre histoire humaine. Le spectateur est ainsi immergé dans le quotidien de Pieter Coecke van Aelst, doyen de la guilde de Saint-Luc d’Anvers, de son épouse Mayken, personnage haut en couleur, de son élève (et futur gendre) Pieter Brueghel et autres personnages non moins pittoresques par la voix desquels nous est livré un flot ininterrompu de réflexions poétiques, politiques et philosophiques sur l’état du monde, celui de la condition humaine, le statut de l’artiste, son rapport à la nature, le commerce des œuvres d’art et mille autres considérations de haute volée. Lisaboa Houbrechts veut tant en dire que l’on a parfois un peu de mal à suivre le riche propos exprimé en néerlandais et surtitré en français tout en gardant un œil fasciné sur l’enchaînement de tableaux scéniques plus baroques les uns que les autres. Le tout est superbement rehaussé par les touches vocales et musicales de l’ensemble valenciennois Harmonia Sacra. Une belle découverte !
Le Phénix, scène nationale Valenciennes. Infos : 03 27 32 32 32 ou lephenix.fr. La Dynastie Francken, musée de Flandre, 26 Grand’ Place, à Cassel jusqu’au 2 janvier 2022. Entrée : 8 € (gratuit pour les moins de 26 ans). Infos : 03 59 73 45 59.