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Les chroniques de JPM à La Chope

Rencontre avec Sarah d’Haeyer, illustratrice

Publié le 12 avril 2021 à 10:43

On me l’avait jamais faite celle-là. Depuis mes rencontres à La Chope, on m’avait demandé pas mal de cafés, un certain nombre de bières, des whiskies aussi, mais jamais un Schweppes. C’est pourtant ce qu’avait fait Sarah d’Haeyer. « Bizarre pour une Lilloise » me dit Samir qui passait par hasard. Sarah y a toujours habité « excepté mes deux années à l’université de Montpellier à la fac de socio. Cela m’a sans doute permis de mieux comprendre les rapports entre les gens et la société. Mais je ne pense pas que cela ait influencé mon travail ». Père comédien, mère enseignante chercheuse, c’est sans doute sa passion pour les livres d’enfants, « ma mère me lisait tous les soirs un passage d’Alice aux Pays des Merveilles », qui l’a amenée, sans le savoir, à écrire et illustrer des livres pour enfants. Cela ne fut pas forcément une évidence.« Après la fac, j’ai pas mal traîné, ne sachant trop quoi faire. J’hésitais entre être costumière pour le théâtre et faire des livres. Ce qui est certain, c’est que je ne voulais pas de patron, ni un travail régulier. Je voulais être indépendante. » C’est alors des rencontres, mais sûrement pas des hasards, qui lui ont donné définitivement envie d’aller là où elle devait aller. À commencer par Dimitri Vazemski, « qui m’a fait découvrir qu’il était possible de créer sa propre maison d’édition », mais surtout un après-midi chez un ami qui lui propose d’essayer la linogravure. Elle ne s’arrêtera plus. Après avoir bénéficié des 30 000 francs d’un DéFI Jeune, elle imprime ses deux premiers livres. En 2001, elle crée sa maison d’édition Ritagada, une structure associative, indépendante. C’est alors une dizaine d’ouvrages qui vont s’enchaîner, s’attachant à décrire un « monde qui ne va pas. Et puis, les livres pour enfants sont parfois consternants, reproduisant des stéréotypes éculés. Je n’ai jamais voulu faire des livres ouvertement militants. Ce ne sont pas des slogans, ni des manifestes. En revanche, ils amènent aux pas de côté. » Les traits épais et les contrastes forts entre le noir et blanc font des illustrations de Sarah des images directement lisibles, poétiques. Outre la gravure en relief, elle utilise aussi les collages, l’acrylique et la photo comme pour Bouilles, un ouvrage de portraits de jouets d’enfants. Sarah parle avec simplicité de son travail. « Je ne suis pas une bonne dessinatrice. Ce n’est pas nécessaire pour une illustratrice. Je ne sais jamais comment va naître l’envie de faire un livre. Cela commence en général par une image, qui me donne envie d’en faire une deuxième. C’est ainsi qu’est née l’idée pour mon prochain ouvrage Péplum. J’avais travaillé à partir d’une image de majorettes, puis d’un plongeur. Je les ai envoyées à Marie Bouchacourt, elle aussi illustratrice avec qui j’ai déjà publié deux albums. C’est elle qui en a écrit des légendes très justes, très fines. Je suis parfois timide sur l’écriture. » Sarah est actuellement en CLÉA (Contrat local d’éducation artistique) dans la communauté de communes de Pévèle Carembault avec la plasticienne Belinda Annaloro. Elle continue aussi à travailler avec les éditions L’Œil d’Or, qui ont réédité une série de textes de Mark Twain dans une nouvelle traduction de Freddy Michalski, parfois un peu de scénographie pour des spectacles. À la dernière question, qu’est-ce qu’un bon livre pour enfant, elle me répondait : « C’est un livre qui donne envie de faire des livres, qui éveille la curiosité et l’imagination. » Les œuvres de Sarah répondent à tout ces critères. Mais elles donnent aussi envie de retrouver son regard d’enfant. C’est bien aussi, non ?