Tout commence en 2020 autour d’une table de bistrot. Pour cause de pandémie, Les Rencontres de la photographie d’Arles sont annulées. Créées en 1970, elles se déroulaient jusque là chaque été et s’étaient hissées depuis longtemps au premier rang des festivals de renommée internationale. A un millier de kilomètres de là, à Roubaix, cette suspension ne manque pas de faire réagir Luc Hossepied et Florence Traullé. Le premier, figure roubaisienne incontournable, plus encore depuis qu’il a créé sa propre galerie d’art nommée « La plus petite galerie du monde (ou presque) » est un as du défi. La seconde, ancienne journaliste à Nord Eclair (où Luc Hossepied a aussi longtemps travaillé) s’est reconvertie dans la photographie. Elle a déjà plusieurs fois exposé à la PPGM. Autour de leur table de bistrot, durant cet été 2020, tous deux imaginent monter une exposition d’œuvres photographiques dans l’ancienne cité textile, comme un clin d’œil au festival d’Arles. Leur projet : faire intervenir des artistes photographes volontaires, de façon quasiment inopinée. Pari tenu l’année même et transformé un an plus tard.
Une expérience de 26 ans
Il faut dire que la PPGM jouit d’une expérience forte de 26 ans. A la longue, celle-ci peut compter sur un solide réseau d’artistes plasticiens notamment. Depuis 1995, elle a fait venir 350 artistes à raison d’une exposition par mois, ouverte le week-end. « Mais cela ne nous empêche pas de lancer des appels à projets », précie son créateur. C’est ainsi qu’il a procédé pour ces « Rencontres inopinées » qui viennent de se dérouler durant un mois et qui ont réuni pas moins d’une vingtaine de photographes ayant répondu spontanément à l’invitation des Roubaisiens. Ces artistes sont issus de tous domaines professionnels. Certains sont des personnalités connues de la région comme le directeur du Centre Historique Minier de Lewarde, André Dubuc. L’exposition a présenté aussi bien de la photographie artistique que du photojournalisme multipliant les regards sur le monde. Rien d’étonnant, cela fait après tout partie de la vocation de la PPGM qui a l’habitude de proposer des voyages immobiles à ses visiteurs. Le bilan de cette initiative est encore une fois positif : « Un mois de photographie innovante, un mois d’amitié entre photographes lors des permanences. Ces derniers étaient en effet invités à rencontrer le public chaque samedi ». De quoi avoir envie de reconduire le projet. Luc Hossepied ne manque pas une occasion de raconter dans quelles circonstances il a créé sa propre galerie. A l’époque, en 1995, cela se passait chez lui, rue des Arts. « Ma maison disposait d’une fenêtre inutile, donnant sur la rue. Je l’ai transformée en mini galerie, cela permettait d’exposer quelques œuvres ». D’où le nom qu’il a donné au lieu. Les vernissages avaient alors lieu sur le trottoir et chez lui, avec apéro de rigueur parfois animé par des musiciens. Lorsqu’il a déménagé, il y a quelques années, la galerie a gardé son nom même si l’espace s’est considérablement agrandi. « L’idée essentielle est restée : créer du lien », dit-il.
Un lieu propice au voyage
Lorsque l’on arrive au 69 rue des Arts, le lieu actuel, les portes grandes ouvertes nous font découvrir une longue cour verdoyante. La galerie, un lieu aussi bien décalé qu’apaisant, a pris place dans un ancien hangar baigné de lumière. Le sol brut, les briques blanches et de faux murs sur roulettes placés de part et d’autre accueillent les œuvres. Non sans fierté, Luc Hossepied explique que l’on va trouver « tout type d’oeuvre, on voyage ici ». Effectivement, le visiteur passe du lac Baïkal, gelé et photographié par Laure Debrosse, à Bhopal en Inde, d’où Florence Traullé a ramené une vision humaniste des quartiers défavorisés et touchés par la pollution. Les Rencontres photographiques inopinées, c’est surtout un mélange singulier de différents genres sortis de l’imagination des artistes-photo- graphes. Alors que certains ouvrent une fenêtre sur le monde via le photojournalisme, d’autres œuvrent dans l’abstrait en fixant une tasse de café ou encore un bug TV. D’autres regards portent sur la nature avec des photos florales centrée sur l’esthétisme et le « beau ». L’imaginaire a aussi sa part avec l’idée de disparition. D’autres œuvres encore s’attachent au concret, comme ces trois clichés de Léo Lamouret qui démontrent les symptômes psychologiques et physiques de l’anxiété. Si l’exposition à fermé ses portes samedi 24 juillet, la Plus petite galerie du monde retrouve son rythme en septembre avec une exposition dédiée à la peinture et à la céramique.
Le voyage nostalgique d’André Dubuc Co-créateur du groupe Hélio, Centre de promotion du langage photographique avec Jean-Pierre Salomon, André Dubuc photographie depuis 1980. Jusqu’en 1990 il a participé à une trentaine d’expositions qu’elles soient personnelles ou collectives. Malgré ses nombreuses occupations professionnelles (il est directeur du Centre Historique Minier de Lewarde et chargé de cours à l’Université de Lille) il ne lâche pas son appareil photo. Ses photographies exposées à la Plus petite galerie du monde représentent les marchés de Roubaix dans les années 80 et c’est tout une ambiance de rencontres et de convivialité qui s’en dégage. Ces images surgissent du marché aux bêtes et d’un marché aux puces de l’époque. « Le monde a changé, les gens sont parfois surpris de voir des enfants seuls dans la rue » nous confie-t-il. Ses photographie donnent à voir un voyage nostalgique dans le temps.