450 spectateurs présents pour une diffusion en simultané dans les quatre salles de ce cinéma « art et essai » de centre-ville ? « Du jamais vu », selon Alexandre Dupretz, le programmateur. Le 31 août dernier, il rencontrait la production lors du festival Séries Mania à Wallers-Arenberg en vue d’une diffusion à Bruay. Son insistance a fini par porter ses fruits. Mais « il a fallu argumenter, expliquer le sens d’une telle démarche sur ce territoire pour obtenir le feu vert de France 2 », se souvient-il. « Cette œuvre a obtenu le “prix du public” lors de ce festival. Il y avait une vraie attente », poursuit celui qui, vendredi dernier, a eu le bonheur de recevoir le scénariste Julien Lilti et l’acteur Thierry Godard surpris de l’accueil réservé par un public enthousiaste à l’idée de découvrir cette adaptation souvent qualifiée de « moderne et ambitieuse » du roman éponyme d’Émile Zola. De surcroît, « une projection en salle donne de l’épaisseur à la mise en scène », fait remarquer Alexandre qui loue volontiers « les qualités esthétiques d’un film choral et polyphonique, le travail sur le son, sur l’image ».
Le choix de la modernité
Il encense tout autant le « parti pris de l’écriture. Le scénariste accorde plus d’importance aux personnages secondaires qui gravitent autour d’Étienne Lantier. La place des femmes est aussi plus marquée ». Par rapport au Germinal de Claude Berri sorti en 1993, « les choix d’adaptation paraissent plus progressistes ». Et Alexandre de citer l’exemple de la scène du viol de Catherine Maheu par Chaval. « Chez Berri, il y a une espèce d’ambivalence assimilable à une approbation de la culture du viol : la femme dit “non” puis “oui”, et à la fin, on a l’impression qu’elle prend du plaisir. Dans la série, cette scène est montrée sans ambiguïté. Le caractère caricatural du patriarcat ouvrier est aussi atténué. Thierry Godard incarne un Maheu plus taiseux, plus digne, alors que dans le film de Berri, Gérard Depardieu joue de façon théâtrale. Chez Berri toujours, s’impose aussi l’idée d’une bestialité sexuelle dans les maisons d’ouvriers sous prétexte de promiscuité. Ici, il y a plus de douceur, de bienveillance. » Julien Lilti aurait donc opté pour une « approche moins misérabiliste » de l’univers minier du XIXe siècle. Et Thierry Godard de rappeler, en écho aux luttes de l’époque, que « les injustices sociales et les conditions de travail ignobles persistent de nos jours. Aussi faut-il continuer à se battre ! ». Ou comment placer l’Histoire au service des luttes contemporaines.