Camaïeu poussée au bord du gouffre

Publié le 29 mai 2020 à 16:33 Mise à jour le 12 juin 2020

Alors qu’ils viennent de sortir du chômage partiel, les 4 000 salariés de Camaïeu voient leur emploi menacé. Et à la peur se mêle la colère. Si l’on en croit la direction qui, ce mardi, a placé l’entreprise basée à Roubaix en redressement judiciaire, le drame actuel vient de la Covid. Les 800 magasins ont été fermés pendant le confinement, le chiffre d’affaires a été plombé de 95 %. S’ajoute à cela le refus des banques d’accorder à l’enseigne de vêtements un prêt garanti par l’État.

Un achat à effet levier, une technique financière favorable aux actionnaires

« La direction se défausse sur la Covid et les Gilets jaunes, mais le groupe est mal depuis dix ans, corrige Thierry Siwik, délégué syndical CGT chez Camaïeu. Cette situation dramatique est plutôt due au fait qu’on a eu une multitude d’actionnaires et de dirigeants qui ont enchaîné les mauvaises décisions. » Pour le syndicat, la crise sert de prétexte à un plan de licenciements massifs, qui était prévu en amont, sous l’impulsion des actionnaires. Ceux-ci ont pris le pouvoir sur l’enseigne de prêt-à-porter à la suite d’un achat à effet de levier, ou LBO, en 2018. « Imaginez que vous achetez une entreprise pour 100 euros, avec 10 euros de votre poche et 90 d’emprunt, explique Jean-Louis Alfred, de la CFDT, qui a subi les méfaits du LBO chez Vivarte (textile). Vous promettez de rembourser les intérêts sur cinq ans, puis l’intégralité à la revente. Si vous vendez 120 euros, vous gardez 20 de plus-value. Cela revient au fond à se nourrir sur le dos de l’entreprise et des salariés, qui payent les intérêts alors que vous n’avez quasiment rien mis de votre poche. » Résultat, en quelques années, l’ancien numéro un européen de l’équipement à la personne avec 17 marques s’est retrouvé démantelé et n’en a plus que trois.