« Jusqu’à à présent, malgré les salaires et les conditions de travail à améliorer, la majorité d’entre nous venait travailler avec goût. Généralement on aime son rayon - qu’on doit désormais appeler zone -, on l’aménage, on le gère ; il faut l’alimenter, améliorer la présentation, gérer les stocks... » Ça, c’était jusqu’à ces derniers mois. Jusqu’à ce que la direction présente un nouveau modèle d’organisation, « Model Orga », qui prendra effet au 1er septembre. Dominique Poquet, délégué syndical CGT, attaché aux « liquides » raconte. « Pour masquer les absences et le manque de personnel, la direction fait voler en éclats nos fonctions. Le personnel apprendra qu’il devra quitter son rayon pour aller travailler sur d’autres. Une fille du “textile” pourra se retrouver aux “liquides” sans qu’il soit tenu compte de la nouvelle pénibilité. Et ceci durant 7 heures ! Auparavant notre travail était varié ; avec “Model Orga” ce seront 7 heures de travail répétitif, avec le risque de multiplier les TMS (troubles musculo-squelettiques). » La CGT avait déjà prévenu sur ces atteintes à la santé lors du changement des caisses. On ne s’en rend pas compte lorsque l’on est client, mais les tapis sont plus étroits, ce qui oblige les caissières à des manipulations répétitives qui causent des dysfonctionnements douloureux - aux poignets et mains (38 % des troubles), 22 % aux coudes, 30 % aux épaules, 8 % au bas du dos. La direction a écouté... et s’est assise sur les alertes syndicales. S’ajoutent à cela un manque de matériels comme des tire-pales à la main, les nouvelles implantations de produits placés tout en bas des rayons qui obligent à travailler de plus en plus à genoux.
Des vies bouleversées
La nouvelle organisation ne tient plus aucun compte de la vie des salariés. « Nous avons pas mal de couples qui travaillent à Auchan. Ils arrivaient à s’arranger pour que, lorsque l’un commençait à 5 heures, l’autre embauche plus tard, pour conduire les enfants à l’école, ou le soir pour les reprendre. C’est fini avec “Model Orga”. Il faudra trouver une nounou, la payer, arrêter de travailler... La direction a tenu des réunions pour nous vendre son projet “fait pour notre bien”. J’ai presque 50 ans, je suis à Auchan depuis 1992... c’est la première fois que je vois des collègues quitter la réunion en pleurant. Parce qu’ils ont compris quels bouleversements “Model Orga” allait entraîner dans leurs vies personnelles, et au travail. » Les effets prévisibles sont tels qu’au niveau national la CGT poursuit Auchan pour « mise en danger » de ses salariés. À Boulogne, ces derniers ont décidé d’alerter sur leurs conditions de travail en organisant un rassemblement qui a eu lieu le vendredi 14 avril. Une action qui est venue contrarier la réception prévue par la direction du groupe à l’occasion du départ du directeur de Boulogne dont le management avait provoqué un mouvement social.
