© Marc Dubois
Chômage

Coup fourré du gouvernement contre les demandeurs d’emploi

par JEAN-LOUIS BOUZIN
Publié le 30 décembre 2022 à 14:20

La durée de couverture d’un salarié au chômage pourrait être réduite de 40 % ! Le ministre du Travail n’avait pas cru bon informer les « partenaires sociaux » de cette disposition.

Peut-être le ministre du Travail pensait-il qu’à deux jours de Noël, l’attention générale se relâchant, la pilule passerait mieux. Toujours est-il que la version finale du projet de décret sur la réduction de la durée d’indemnisation des demandeurs d’emploi qu’il a transmise aux syndicats le 23 décembre (pour la forme car elle était parue, la veille, au Journal officiel...) s’est avérée porteuse d’une très mauvaise surprise. Ce n’est plus seulement de 25 % que la durée de couverture d’un salarié au chômage pourrait être réduite à partir de février 2023, mais de... 40 % si le taux de chômage passait sous la barre des 6 %. Un ajout qui a tout d’un coup fourré et qui plonge, à juste titre, les syndicats dans une profonde colère, en raison de la dureté de la mesure mais aussi de la méthode utilisée. Le ministre Olivier Dussopt n’avait, en effet, jamais évoqué cette disposition lors des rencontres avec les représentants du monde salarié ! Cette très mauvaise nouvelle intervient au moment où l’Unédic vient de rendre public un premier bilan de la précédente réforme de l’assurance chômage entrée en vigueur en 2021. On apprend ainsi que les allocations journalières pour les chômeurs impactés ont baissé en moyenne de 16 %, les plus touchés étant ceux qui alternent périodes de travail et périodes d’inactivité. Les ouvertures ou rechargements de droits ont baissé de 20% par rapport à 2019. Cette baisse affecte surtout les moins de 25 ans (-26%), les salariés sortant de CDD (-30%) ou de contrat d’intérim (-37%). Au total, 36,6% seulement des inscrits à Pôle emploi étaient indemnisés en juin 2022, contre 40,4% en décembre 2021. Quant à la réforme qui s’appliquera aux demandeurs d’emploi inscrits après le 1er février prochain, l’Unédic prévient que « quelle que soit la durée du droit actuel, au moins la moitié des futurs allocataires sera impactée  ». Le nombre d’allocataires indemnisés devrait diminuer de 12%, ce qui représente 300.000 personnes ! Peut-être le gouvernement en profitera-t-il pour se vanter d’un recul du chômage et d’une situation de l’emploi qui s’améliore...

Les syndicats furieux

Dans un communiqué publié le 28 décembre, c’est-à-dire le jour de la mobilisation du CNTPEP (ex CGT chômeurs) et de la CGT Pôle Emploi (lire l’interview de Stéphane Vonthron ci-contre), les deux organisations dénoncent une « guerre contre les chômeurs ». « Dans sa guerre contre les chômeurs, peut-on lire, le gouvernement n’a aucune limite comme le démontre d’une part la baisse de la durée d’indemnisation pour celles et ceux qui ouvriront des droits après le 1er février ; et d’autre part, la mise en place de France Travail qui va intensifier et généraliser le contrôle tout en poursuivant la casse des droits à l’accompagnement , l’orientation et la formation par la privatisation des services publics de l’emploi et de la formation professionnelle. » Dans ce même communiqué, elles rappellent que les chômeurs ne sont plus reçus le matin par un conseiller sur les questions liées aux indemnités, c’est-à-dire le calcul de ces indemnités et les problèmes de trop perçu. Déjà, les agences de Pôle Emploi étaient fermées l’après-midi. « C’est inacceptable, s’exclament les syndicalistes. C’est déjà ce que nous dénoncions avec le Conseiller référent emploi qui, selon le mode d’accompagnement, ne peut même plus nous recevoir pour échanger sur notre projet professionnel.  » Avec le dernier acte en date du gouvernement, l’aggravation de la situation des privés d’emploi atteint des sommets. Nous lirons ci-dessous que l’ensemble des organisations syndicales est vent debout contre ces dispositions.

Les réactions syndicales

CGT. Denis Gravouil (CGT)  - « C’est vraiment, sur le fond comme sur la méthode, un très mauvais cadeau de Noël pour les chômeurs qui pourraient être concernés. Ce gouvernement est en train de casser l’assurance chômage et quand il a tous les syndicats en face, que ce soit sur l’assurance chômage ou les retraites, il n’en tient absolument pas compte. Il nous bassine avec du dialogue social, mais il ne sait même pas le sens du mot ne dialogue ni le sens du mot social. »

CFDT (communiqué) - « C’est avec stupéfaction que la CFDT a découvert cette nouvelle disposition ». Le syndicat « regrette et dénonce un nouvel arbitrage encore une fois en défaveur des plus fragiles ». Il indique qu’il « se battra pour les plus précaires, les chômeurs de longue durée et notamment les seniors » afin qu’ils « ne subissent pas cette nouvelle injustice. »

Michel Beaugas (Force ouvrière) - « Nous sommes encore une fois mis devant le fait accompli. »

François Hommeril (CFE-CGC)  – « Il s’agit de considérer que toute personne au chômage l’est un peu par sa faute. C’est une position idéologique, de l’ordre de la punition collective. »

Cyril Chabanier (CFTC) - « Sur la forme, ce n’est pas acceptable de faire une annonce le 23 décembre sans échanges et sans concertation. C’est vraiment de très mauvais goût. »