Rue de Bouvines, à Amiens, la façade de la maison de Jean-Remy Macaux, 70 ans, retraité, est simple mais coquette. Un coup de sonnette ; on entend le jappement d’un chien. C’est Narko, le border collie noir et blanc de cinq ans ; il se demande qui vient déranger, en plein après-midi, ses maîtres pendant que l’écran du téléviseur pétille de mille feux à la faveur d’une série américaine. Cheveux poivre blond et sel, moustaches de la même couleur, tricot bleu acier, Jean-Rémy ouvre la porte, décontracté. Pas de chichis ; tutoiement d’office. Né en 1952, à Brunvillers-la-Motte, dans l’Oise où il vit jusqu’en 1970. Son père est ouvrier dans une sucrerie ; sa mère confectionneuse. Une enfance heureuse au sein d’une fratrie de huit enfants. « On était plus heureux que maintenant ; il y avait le jardin et la basse-cour », se souvient-il, un brin nostalgique, devant les étagères sur lesquelles reposent des livres, une pendulette et des statuettes égyptiennes. Scolarité banale ; élève moyen, il obtient le certificat d’études, puis un CAP de charcutier, métier qu’il exerce à Creil jusqu’à son service militaire, effectué à 18 ans, à La Rochelle et au Havre : « Soldat première classe du Train », annonce-t-il, une pointe de fierté au bout de la moustache. Il se marie ; une fille naît. Il se sépare. Il arrive à Amiens où il travaille comme charcutier. Il a 22 ans. « Une belle époque de ma vie », sourit-il. « Je deviens ouvrier chez Torino, une usine de cornets pour les glaces. C’est là que je rencontre madame, Lysiane, qui m’a donné trois beaux garçons. »
Une succession de métiers
Il s’adonne ensuite à une succession de métiers : ouvrier d’usine, préparateur de commandes, etc., le tout entrecoupé de travaux en intérim et de périodes de chômage. Un détail et il est important : tout au long de sa carrière, il a été syndiqué à la CGT, tout en militant pour le Parti français. Et il n’était pas peu fier quand Ian Brossat, porte-parole du Parti, lui a remis le diplôme récompensant 40 ans d’ancienneté, lors d’un repas à Dury, près d’Amiens. La politique lui donne aussi du travail ; dans les années 90, il œuvre comme employé au conseil général de la Somme, au secrétariat des élus communistes, fonction qu’il occupe également à la mairie d’Amiens. « J’ai eu la chance de travailler aux côtés de Maxime Gremetz et de Gérald Maisse, conseiller général et adjoint aux transports, décédé en novembre 2020 », se souvient-il. « J’ai également été représentant pour le journal communiste La Terre. » En 2000, il se retrouve au chômage, puis travaille de nuit à l’usine Saint- Frères, de Flixecourt, avant de devenir employé d’entretien à la maison de retraite d’Ailly-sur-Somme. L’heure de la retraite sonne pour lui en 2013. « À la faveur de la loi Sarkozy, j’ai fait neuf mois de travail de rab afin d’avoir une pension un peu plus importante car c’était difficile... » Difficile ? C’est un euphémisme quand on touche une retraite de 900 euros (aujourd’hui, elle est de 1 100 euros). « Je n’y arrivais pas financièrement. J’ai dû bosser à nouveau, faire des travaux de jardinage chez des particuliers pour arrondir mes fins de mois et mettre du beurre dans les épinards... » Auxiliaire de vie et en mauvaise santé, Lysiane, elle aussi, perçoit une petite retraite.
Ces 500 euros qui font défaut !
« Aujourd’hui, à deux, on touche 2 000 euros par mois. On ne se plaint pas, certes, mais c’est vraiment trop juste. Si on voulait changer de voiture, on ne pourrait pas ; on a des travaux à faire, ça nous est impossible de les mettre en œuvre. Oui, c’est vraiment trop juste. Il nous manque environ 500 euros ; en réalité, ça ne ferait que 1 250 euros par personne, ce qui est loin d’être énorme car tout augmente avec l’inflation. » La réforme de la retraite proposée par le gouvernement ? Il ne faut pas lui en parler ; il sort de ses gonds. « C’est un projet complètement bidon ! » tonne-t-il. « En ce moment-même, je devrais être à la manifestation. Ils ne cessent de rallonger le nombre des années de travail. Certains boulots sont très durs physiquement. Les cheminots sont critiqués mais ils ne sont jamais chez eux. Oui, cette loi, c’est vraiment bidon !... » Et celui qui milite au PCF depuis 1979 (et qui a adhéré à la CGT à l’âge de 18 ans, alors qu’il travaillait à la sucrerie de Saint-Just-en-Chaussée), regarde son beau diplôme que lui a remis Ian Brossat. La vie est une longue bataille ; ce n’est pas quelqu’un qui habite rue de Bouvines qui vous dira le contraire...
Toute une histoire 1952 : Naissance de Jean-Rémy Macaux, à Brunvillers-Lamotte, près de Saint-Just-en-Chaussée, dans l’Oise. 1970 : Il quitte l’Oise et effectue son service militaire à La Rochelle, puis au Havre. 1974 : Il travaille dans une usine qui fabrique des cornets à glace ; il fait la connaissance de Lysiane qui deviendra sa femme. 1979 : Il adhère à la section d’Amiens du Parti communiste français. 1980 : Il milite pour la CGT. 1981 : Ils s’installent dans leur maison de la rue de Bouvines, à Amiens. 1990 : Il travaille au conseil général de la Somme et à la maison d’Amiens. 2000 : Il se retrouve au chômage. 2013 : Il part à la retraite. Il ne perçoit que 900 euros par mois. 2014 : Il est contraint d’effectuer de nombreux petits boulots pour assurer les fins de mois qui se révèlent très difficiles.
1952 : Naissance de Jean-Rémy Macaux, à Brunvillers-Lamotte, près de Saint-Just-en-Chaussée, dans l’Oise. 1970 : Il quitte l’Oise et effectue son service militaire à La Rochelle, puis au Havre. 1974 : Il travaille dans une usine qui fabrique des cornets à glace ; il fait la connaissance de Lysiane qui deviendra sa femme. 1979 : Il adhère à la section d’Amiens du Parti communiste français. 1980 : Il milite pour la CGT. 1981 : Ils s’installent dans leur maison de la rue de Bouvines, à Amiens. 1990 : Il travaille au conseil général de la Somme et à la maison d’Amiens. 2000 : Il se retrouve au chômage. 2013 : Il part à la retraite. Il ne perçoit que 900 euros par mois. 2014 : Il est contraint d’effectuer de nombreux petits boulots pour assurer les fins de mois qui se révèlent très difficiles.