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Tensions entre municipalités et syndicats

Des unions locales CGT pressées de payer ou de quitter leur local

par Nadia DAKI
Publié le 23 décembre 2022 à 07:53 Mise à jour le 22 décembre 2022

Depuis quelques temps, des tensions apparaissent entre municipalités et unités locales syndicales, notamment la CGT. En cause : les locaux que ces dernières occupent et les conditions qui y sont liées.

Certaines municipalités remettent en cause la gratuité des locaux mis à disposition des unions locales (UL) de la CGT et autres syndicats. Des loyers leur sont désormais réclamés tout comme le paiement des fluides. À l’instar de Valenciennes où la mairie souhaiterait regrouper l’ensemble des organisations syndicales, rue Colliez, là où est installée la CGT. « Il y a trois semaines, nous avons rencontré l’adjoint aux finances qui nous annonce que la ville a vendu le bâtiment où se trouvent les autres organisations syndicales FO, CFTC et CFE-CGC. Laurent Degallaix (le maire, ndlr) veut tous nous rassembler dans un seul et même bâtiment », raconte Émile Vandeville, secrétaire général de l’union locale CGT de Valenciennes.

Un projet de regroupement rejeté en bloc

En outre, la mairie souhaite désormais faire payer un loyer et les factures de gaz et d’électricité. « Il veut qu’on paie 10 euros le mètre-carré et les fluides. Il n’aura pas un radis  », s’insurge le secrétaire général. L’ensemble des syndicats sont vent debout et protestent contre ce projet. « Historiquement, les syndicats n’ont jamais payé à Valenciennes, que ce soit du temps de Borloo ou de Carous. Aujourd’hui, Degallaix remet ça en cause. Les subventions aux associations ont été divisées par deux. Il fait 3 à 4°C dans les salles de sport et dans le cadre de l’agglomération, il donne 18 millions d’euros d’argent public pour agrandir un golf », fustige Émile Vandeville. L’actuel bâtiment rue Colliez, d’une superficie de 350 m2, fait l’objet d’une convention d’occupation. Pour l’instant, l’union locale n’a pas reçu de date précise quant à la réalisation de ce projet. « Les autres organisations vont être dehors dans un délai de six à neuf mois puisque leur bâtiment a été vendu 450 000 euros. Il y a des bâtiments vides si Degallaix veut créer une maison de syndicats. » La CGT se veut pragmatique. «  On lui a laissé le temps de la réflexion mais il persiste. On ne reçoit pas de subvention et on n’en veut pas. Ce projet ne se fera pas sur notre dos  », prévient Émile Vandeville. Et d’ironiser : «  Le maire parle de solidarité et de sobriété. On veut bien lui donner des cours de solidarité. »

Même rapport de force du côté de Tourcoing. « Cela a commencé avec Darmanin lorsqu’il était maire de la ville, introduit Habib Hamdoud, secrétaire général de l’union locale de la CGT à Tourcoing. Il a voulu nous faire payer les locaux alors qu’ils sont vétustes. » Un projet de regroupement avec FO et la CFDT est alors évoqué. « Il nous a proposé de déménager à 150 mètres de là où nous sommes, dans un local plus petit et nous demande dès lors de payer le loyer et les fluides. » Ce que refuse catégoriquement la CGT. « Socialement, il n’y a aucune proposition. Ce n’est que peur et menace. On ne se laissera pas faire », prévient Habib Hamdoud.

Pas de proposition de relogement à Seclin

À Seclin, la situation est plus problématique. Depuis un mois, l’union locale CGT de la ville se pose des questions quant à son avenir. «  Les statuts de la CGT à Seclin sont déposés depuis 1924. On est dans ce local depuis 1967 avec un bail d’occupation des locaux à titre gratuit avec prise en charge totale des frais. Or, il y a un mois, la mairie nous a dit vouloir récupérer le local pour en faire des magasins », s’étonne encore Jean-Paul Verdière, secrétaire général de l’UL seclinoise. L’antenne occupe, à titre gracieux, un espace de 330 m2 au rez-de-chaussée de la salle Barbusse, place Saint-Briat, depuis 55 ans. « Notre bail de location se termine dans deux ans et demi. Le maire nous a prévenus : dès que nous recevrons son courrier recommandé, nous aurons trois mois pour déguerpir », n’en revient toujours pas Jean-Paul Verdière. Et, il réclame désormais un paiement du loyer et des charges immédiat et ce, jusqu’à la fin de l’occupation des lieux. « Il demande 10 euros du mètre-carré, soit 3300 euros par mois. C’est impossible. En réalité, la droite seclinoise ne veut plus d’UL CGT à Seclin », tranche le secrétaire général.

Ce qui pousse Jean-Paul Verdière à cette conclusion, c’est l’absence de proposition de relogement « On est ancré à ce bâtiment. On est là depuis toujours, on a aménagé les locaux, fait des travaux. On ne bougera pas », indique-t-il. Surtout, il ne comprend pas comment une telle décision peut être prise en ces temps de licenciements. «  Notre rôle d’utilité publique n’est plus à prouver. Le maire dit que la prise en charge du local et des charges coûte cher. Tous les salariés qui viennent ici et dont nous sauvons les emplois, ce sont autant de personnes qu’il ne retrouve pas au CCAS  », répond Jean-Paul Verdière.

La mobilisation s’est opérée notamment via le soutien d’autres UL et unions départementales. « 4 à 500 motions ont été envoyées en mairie. On n’est pas seuls face à ce genre d’attaques. On passera à la vitesse supérieure si cela devient nécessaire », prévient à son tour le porte-parole CGT à Seclin.

Une situation plus globale

La situation est quelque peu différente à Lille. L’UL CGT occupe une partie de la bourse de travail à Fives avec d’autres organisations syndicales. Là-aussi il est désormais question d’une participation financière au loyer et aux charges. « En 1993, une convention d’occupation des sols a été signée entre la CGT et d’autres organisations syndicales et le maire de l’époque, Pierre Mauroy. Les clauses indiquaient qu’il s’agit d’un hébergement à titre gratuit car nous sommes reconnus d’utilité publique, et ce, pour une durée de 100 ans », explique Mathias Wattelle, secrétaire général de l’UL lilloise. Mais en 2016, une délibération du conseil municipal décide de faire payer aux organisations syndicales un loyer et la consommation des fluides. « Nous considérons que le bail signé avec Pierre Mauroy est toujours d’actualité. Même si chaque situation est particulière, il y a une décision à l’échelle nationale de mettre en difficulté les syndicats », observe Mathias Wattelle.