Le cabinet Progexa (Paris) connaît bien la SAS Cargill Haubourdin pour être déjà intervenu dans le PSE précédent. Jean-Vincent Koster et Marine Valverde, appelés par le CSE de Cargill, travaillent sur un panel de salariés qui ont accepté de répondre à leurs questions. « Il s’agit pour nous de comprendre quel est votre travail aujourd’hui et quelles seront les conséquences du projet de restructuration pour ceux qui devront partir ». Ils doivent remettre leur rapport début février. Ils auront fort à faire : les documents qui leur ont été transmis par la direction ne leur suffisent pas pour établir leur bilan. « Nous voulons les vrais chiffres », dit Jean-Vincent Koster.
Parmi les bizarreries que découvrent les experts : « Il n’y a pas de business plan. Curieux quand on supprime 183 postes ! ». L’ objectif final de Progexa : faire un rappel sur les obligations de la direction du site. Pour l’heure, Jean-Vincent Koster et Marine Valverde ne comprennent pas pourquoi le groupe évoque des difficultés ni pourquoi il prétend que le site d’Haubourdin va mal. « En tout état de cause, l’inspection du travail ne peut valider un plan dont on ne connaît pas les motifs »
Me Fiodor Rilov se pose les mêmes questions et doit lui aussi travailler rapidement. Le PSE est en effet censé être conclu le 28 février. Alors, l’avocat veut tout faire pour éviter une casse sociale. « Je vais demander la suspension du plan de restructuration » , annonce-t-il. Pour introduire cette demande auprès du tribunal de grande instance de Lille, il va s’appuyer sur l’absence d’informations fournies au CSE et l’absence de documents cruciaux qui devraient être fournis aux experts.
Ensuite, l’avocat entend faire la lumière sur la stratégie fondamentale du groupe. Est-il dans ses intentions de fermer l’ensemble du site haubourdinois (ce que dément la direction locale) ou seulement une partie ? Existe-t-il une autre usine Cargill en France ou en Europe où l’activité d’Haubourdin pourrait être transférée ? Le site d’Haubourdin est en effet le seul à produire de l’amidon atomisé. Comment le groupe est-t-il en train de se réorganiser à l’échelle européenne ?
Lire : Quatre générations à l’usine
Fiodor Rilov en est convaincu : « Votre vrai patron n’est pas Cargill Haubourdin. Il faut trouver le vaisseau amiral, quelque part en Europe ». Une fois qu’il sera identifié, il faudra récupérer les documents prouvant que c’est cette entité-là qui dirige. « Alors, nous disposerons d’un sacré levier pour mettre en échec la plan de restructuration et pour faire suspendre le plan de modification de l’activité ». Pour l’expert comme pour l’avocat, il y a du pain sur la planche. Et tous deux comptent sur une mobilisation ininterrompue des salariés.
L’avocat
Fiodor Rilov, 50 ans aujourd’hui, en avait 17 lorsqu’il a rejoint les jeunesses communistes et qu’il a milité à l’Unef. En 2001, il entre en tant que conseiller juridique au service du député Maxime Gremetz. Il propose alors des amendements à la loi de modernisation sociale de 2002. Il prête serment deux ans plus tard et ouvre son cabinet. Spécialisé en droit social, il défend les salariés de Goodyear en 2008 (il est conseiller pour la CGT), puis les salariés de Continental en 2013. Il intervient régulièrement avant les fermetures d’usines afin de faire échec aux tentatives de restructuration et après les fermetures dans le but d’obtenir réparation. L’an dernier, il a défendu les ex-salariés de Darbo, à Linxe, dans les Landes.