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Les Hauts-de-France dans la tourmente de l’inflation...

Samedi sur le marché d’Amiens, ici les inégalités de la vie ont un visage

par François MILAN
Publié le 17 mars 2023 à 15:23

Mars sera rouge. La vague inflationniste n’a pas encore atteint son maximum alors que nous somme au mitant du mois. Dans l’alimentaire, les prix ont déjà bondi globalement de 13,2 % sur un an selon l’Insee, amputant les salaires et les pensions. Comment la population des Hauts-de-France France vit-elle cette situation ? Enquête chez les Picards.

Certains la prennent de plein fouet ; d’autres ne voient rien passer. Enquête sur un marché et en centre-ville de la capitale picarde. « Maïzena, cacao, toasts, vanille, sucre glace... » Une liste de courses abandonnée, abandonnée par terre, sur le passage protégé d’un parking près de chez Lidl, au faubourg de Hem, à Amiens. La personne devait avoir le projet de confectionner un gâteau. Faute de loisirs, de vacances, il faut savoir se garder « des petits plaisirs » . La personne à la liste est aujourd’hui une cliente de chez Lidl. Fréquentait-elle auparavant des enseignes de supermarchés plus traditionnelles ? Ce n’est pas impossible. Depuis quelque temps, la vie est si chère. L’inflation. Saloperie d’inflation.

Des yeux pétillants comme un cidre azurin

Et sur les marchés, qu’en est-il ? Direction celui du quartier Saint-Leu, dit « le marché sur l’eau » , en bordure de la Somme. Un marché un peu bobo ? Ce n’est pas faux mais pas que. Beaucoup de commerçants sont des locaux ; certains viennent des hortillonnages et vendent leurs produits en direct. Thérèse Nowak, 62 ans, d’Amiens, est de ceux-là. Familière avec ses clients, elle leur parle volontiers en picard. Ça fait 47 ans qu’elle vend au marché sur l’eau. «  Les gens achètent sur le marché car, ici, ça n’augmente pas malgré l’inflation  » , estime-t-elle, yeux pétillants comme un cidre azurin. « Nous, c’est du producteur au consommateur. On a la même clientèle depuis des années... Et des gens de plus en plus jeunes qui achètent des légumes pour leurs enfants. Des légumes de saison. On sent que le printemps arrive ; ils reviennent en nombre. » L’inflation, Thérèse avoue qu’elle n’en ressent pas les effets sur sa clientèle. Pas du tout le même son de cloche du côté de l’étal du poissonnier, Guillaume Godquin, 28 ans, qui réside près d’Ault (Somme) et qui achète du poisson de la côte picarde et le revend. « Je ressens une démoralisation totale de ma clientèle » , confie-t-il, beau regard sombre de presque trentenaire, bonnet bleu vissé sur la tête, en train de préparer une sole. Des clients arrivent ; un couple. Une dame, la quarantaine, accompagnante d’élèves en situation de handicap (AESH). Elle secoue sa jolie chevelure brune et bouclée comme celle du regretté Marc Bolan, rocker des seventies. Son mari, lui aussi, sourit. Il est technicien dans la rénovation énergétique. La dame tend une boîte Tupperware pour la sole. On sent que ce couple vit correctement. Et pourtant : « Avec l’inflation, on est obligé de faire des choix  » , déclare-t-elle. « Les prix augmentent. On mange moins de viande, moins de poisson. On achète sur les marchés plutôt qu’aux supermarchés. » Soudain, le poissonnier affiche un air grave : « Il faut venir en fin de marché quand des gens, de plus en plus nombreux, viennent faire les poubelles et récupérer ce qu’on laisse. Certains prennent même des cageots pour se chauffer ; d’autres ramassent des algues pour faire des bouillons. Je n’ai jamais vu ça ; c’est une catastrophe ! Les gens se sentent déclassés. » Prix de la sole au kilo : 29,90 euros. « J’ai choisi de ne pas augmenter le prix de vente, même si le prix auquel je l’achète, lui, a augmenté. »

Quand la baguette coûtait 0,85 €

Même morosité du côté de Marie Gribauval, 38 ans, directrice de la boulangerie-pâtisserie La Mie câline, place Gambetta, à Amiens : « Nos client sont mécontents de la hausse de prix. Ils ne se font plus autant plaisir qu’avant. Si ça continue comme ça, bientôt, ça va devenir difficile d’acheter du pain. » Elle rappelle qu’une baguette blanche coûte 1,10 euro et qu’on la payait 90 centimes il y a six mois. «  En fait, on devrait la vendre 1,20 euro mais on ne le fait pas car les clients n’achèteraient pas ou moins.  » Et de se souvenir, nostalgique, du prix de la fameuse baguette (85 centimes) quand elle a commencé à bosser ici il y a huit ans. Maudite inflation !

14,4% C’est l’augmentation des prix alimentaires en février. Elle s’ajoute aux 13,5 % de janvier. 3,8% C’est la hausse du salaire mensuel de base (SMB) dans le privé en 2022. 140 milliards C’est, en euros, le chiffre d’affaires dopé par l’inflation des entreprises françaises du CAC 40. 2,4 millions de personnes ont dû recourir à une aide alimentaire en 2022 ; soit trois fois plus qu’il y a dix ans.

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Somme