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Grève des laboratoires

Les raisons d’une crise

par Lydie LYMER
Publié le 21 novembre 2022 à 12:22

Un mouvement de grève largement suivi. 95 % des laboratoires étaient fermés le 14 novembre sur le plan national selon les syndicats.

En décembre dernier, Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des Comptes Publics, s’inquiétait de la santé financière de la Sécurité Sociale. Il estimait que, malgré la « stratégie de priorisation des tests », la campagne de dépistage pour stopper l’épidémie de Covid coûterait six milliards d’euros à l’État pour l’année 2021. Aujourd’hui, le gouvernement estime que les laboratoires d’analyse médicale ont réalisé 7 milliards de profits l’année dernière grâce à ces tests financés par l’Assurance Maladie. Le Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale (PLFSS) prévoit donc une économie de 250 millions d’euros par an jusqu’en 2026 dans le secteur d’analyses médicales. Soit un milliard d’euros sur quatre ans. François Blanchecotte, président du Syndicat des biologistes, reconnaît que «  la forte demande de tests » pendant l’épidémie de Covid a généré « un chiffre d’affaires ». Mais les professionnels dénoncent une manipulation des chiffres. Ils distinguent marge brute et bénéfices nets, et nient avoir perçu un tel montant. Les syndicats proposent de payer une taxe exceptionnelle à hauteur de la situation sanitaire inédite, afin de contribuer à l’« effort collectif  » qu’ils souhaitent voir diriger vers les analyses en lien avec le Covid. D’autant que même si la loi du 31 juillet 2022 « mettant fin aux régimes d’exception créés pour lutter contre l’épidémie liée au Covid-19 » abroge le pass sanitaire, le texte ne détaille pas précisément les indications des tests PCR. Beaucoup d’établissements de santé exigent toujours un test négatif datant de moins de 48 h pour toute hospitalisation programmée. Avec l’arrivée de la 8e vague, le baromètre de la crise sanitaire a enregistré une augmentation de l’activité de dépistage depuis septembre. Selon les chiffres publiés par le ministère de la santé, le nombre de tests réalisés entre le 12 et le 18 septembre 2022 a franchi la barre symbolique du million. Or, ce sont « les analyses de routine et d’urgence » qui sont concernées par le PLFSS, comme l’explique Lionel Barrand, président du syndicat national Les Biologistes Médicaux (les Biomed). Les Biomed dénoncent par ailleurs « la politique de l’open bar » du gouvernement qui a déterminé les situations nécessitant la réalisation d’un test PCR, et «  qui a décidé lui-même des tarifs ». Outre la dégradation du service rendu à la population, c’est le dépistage et la surveillance de pathologies chroniques comme le diabète ou les maladies cardio-vasculaires qui seraient mis en danger. «  Un non-sens et une hypocrisie aberrante » pour Jean-François Natterro, biologiste chez Altilabo. Alors que le gouvernement veut mener une politique de prévention, une partie de la population pourrait ne pas avoir accès à des analyses de pratique courante. Et François Blanchecotte tempête : «  cela veut dire qu’à ce moment-là, ce n’est plus une question de santé publique ». Si les laboratoires ont rouvert leurs portes ce jeudi 17 novembre, « d’autres journées de grève ne sont pas à exclure. »