Liberté Hebdo : Quel accord avez- vous obtenu ? Manon Ovion : Il a été décidé des augmentations en net mensuel allant de 90 à 140 euros, selon l’ancienneté des salariées ainsi que l’intégration de 30 salariés intérimaires en CDI. Ce qui est fou, c’est que la direction a dit avoir peur des conséquences d’un arrangement. L’une des conditions de cet accord a donc été qu’il n’y ait pas de conflit entre celles qui ont tenu cette lutte et les salariées n’ayant pas fait grève. Je l’ai dit et je le redis : il n’y a aucune tension. Qui refuserait d’être augmenté ? Ce combat a été mené de pied ferme et tout le monde doit en profiter.
Peut-on vraiment parler de combat pour la dignité ? Oui, clairement. Il faut avoir conscience qu’au-delà de la victoire finale avec la hausse des salaires, il y avait déjà une énorme victoire dans le fait de s’être mis en grève et d’avoir tenu tête à la direction malgré tout ce que celle-ci a pu faire pour casser notre mobilisation. On a montré qu’il est possible de se battre pour la dignité et de gagner. Du 20 mars à la reprise du travail le 6 juin, il s’est écoulé deux mois et demi, c’est énorme. On a connu de véritables montagnes russes émotionnelles, car faire grève c’est dur et quand il y a de la répression encore plus. Tout du long, nous n’avons pas oublié pourquoi nous avions entamé cette lutte. C’est la détermination qui fait le reste.
Vertbaudet est-il devenu un symbole national ? Je ne pensais pas que notre grève allait prendre une telle ampleur. On est sorties pour demander à vivre dignement, avec des salaires rehaussés devant un coût de la vie en augmentation. Cette proportion nationale est avant tout du fait de la direction, c’est elle qui l’a alimentée, car ce conflit n’aurait pas dû durer plus de quelques jours. Même nous, nous ne pensions pas que ça irait au-delà d’une semaine ou deux. Finalement, cette grève a duré, car l’entreprise n’a pas voulu nous écouter et avec tous les soutiens que l’on a reçus, notre lutte a pris une proportion nationale inimaginable au début. C’est une bonne chose, on a peut-être ouvert la voie pour d’autres. Si je fais partie d’une organisation syndicale, c’est pour défendre les salariés et j’invite les autres syndicats à faire grève et aller jusqu’au bout pour obtenir des avancées sociales.
En tant que déléguée syndicale, vous avez connu une forte exposition médiatique, êtes-vous désormais à l’aise dans ce rôle ? On ne peut pas dire que je sois à l’aise, ce cap-là n’a pas été passé. Je suis quelqu’un de très timide et je suis discrète de nature, donc cette grève a bousculé ma personnalité. Mais ce que je retiens, c’est vraiment la fierté collective d’avoir tenu bon et de savoir que tout le monde pourra profiter de cette augmentation.