Des syndicalistes nous l’ont exprimé, « il n’y a que le rapport de force qui paye ». « Les patrons ne lâchent des bribes que sous la pression de la grève. On appelle cela des discussions sur les salaires pour faire comprendre aux travailleurs qu’il y n’a pas de négociation », indique Éric Pecqueur, délégué CGT chez Toyota à Onnaing. Chaque année, patrons et syndicats se réunissent autour d’une table pour discuter des salaires et d’un pourcentage d’augmentation. De nombreuses organisations syndicales ont demandé des NAO (négociations annuelles obligatoires) anticipées dès septembre pour pouvoir faire face à l’inflation. « Chez nous, elles ont eu lieu en novembre et décembre. Il n’y a pas eu de mobilisation et l’augmentation générale obtenue était de 2,6 % [l’inflation atteignait 7 %, ndlr] seulement soit en moyenne une trentaine d’euros par mois. Refus d’aller plus haut sous prétexte qu’en mai 2022 la direction avait concédé une prime de 37 euros. Aujourd’hui le mécontentement est fort et des grèves se préparent », prévient le syndicaliste.
Des salaires rattrapés par l’inflation et le Smic
Le site de Toyota, près de Valenciennes, compte 5 000 salariés. Un de ses principaux fournisseurs, Novares à Libercourt doit également faire face au mécontentement de ses employés. En grève ce lundi, ces derniers réclament une revalorisation des salaires. « Novares est la seule entreprise à nous fournir des pièces en plastique spécifiques. Le rapport de force est donc en faveur des salariés : si la grève perdure, Toyota Onnaing sera très rapidement à l’arrêt », analyse Éric Pecqueur. Des problèmes d’approvisionnement commencent également à se faire sentir chez les clients du port de Boulogne-sur-Mer. Car les travailleurs du secteur des produits transformés débrayent depuis le 6 mars. Quatrième réunion NAO et débrayage de 2 heures pour chaque poste. « 1,38 %, d’augmentation, c’est leur proposition. En fait, c’est juste un rattrapage par rapport au Smic. La direction dit que tant que nous sommes dehors, il n’y aura pas de négociations. Nous lui répondons que tant qu’il n’y aura pas de négociations, nous serons dehors », dit Christophe Hagneré, secrétaire général de la marée sur le port de Boulogne-sur-Mer.
Des revalorisations arrachées plus que négociées
Le ras-le-bol social semble général et diffus dans un certain nombre de secteurs. Chez Bombardier, à Crespin, les 2 300 salariés du site ont débuté les NAO il y a quinze jours. Elles se sont terminées sans protocole d’accord, c’est-à-dire qu’aucune organisation syndicale n’a signé les protocoles NAO. « C’est un simulacre de NAO, tranche Karim Khatabi, délégué syndical SUD. En fait, l’employeur a l’obligation de négocier, pas de tomber sur un accord. Mais ce qu’il se passe en réalité, c’est qu’il arrive en disant : “C’est autant et c’est comme ça.” » Sa proposition se limitait à 5 % d’augmentation. Elle a été rejetée car en deçà par rapport à l’inflation. Les salariés sont en grève. « Des négociations dignes de ce nom n’existent que si les travailleurs exercent un rapport de force », résume Éric Pecqueur.