© Marc Dubois
L'inquiétude des salariés de Flandres (TotalEnergies), à Dunkerque

« Pas d’EPR sur les cendres de nos emplois ! »

par Philippe Allienne
Publié le 16 septembre 2022 à 14:53

L’annonce par Emmanuel Macron de la construction de deux réacteurs nucléaires de troisième génération (EPR) dans le Dunkerquois suscite l’inquiétude des salariés de TotalEnergies. Ils y voient une menace pour la pérennité de leur activité.

« Les EPR ne peuvent se construire sur les cendres d’emplois détruits  ». Invité à s’exprimer lors de la journée à la mer des communistes du Nord, à Malo le 25 août, Benjamin Tange posait ainsi la question de l’implantation d’un EPR dans le Dunkerquois. Le délégué syndical central UES Raffinage Pétrochimie précisait que l’inquiétude des salariés portait sur le choix du lieu de construction du réacteur : en bordure des Appontements pétroliers des Flandres (APF). Si tel était le cas, déplore la CGT, cela pourrait être fatal aux activités et aux emplois du site TotalEnergies. « Par ailleurs, poursuit Benjamin Tange, la création prochaine d’un bassin au port ouest du Grand port maritime de Dunkerque (GPMD) a également un impact sur les pipes qui relient actuellement les APF de Gravelines et le site de Mardyck. Le contournement de ces pipes reste pour autant possible  », souligne-t-il.

300 emplois menacés

La CGT n’est pas opposée à l’implantation d’EPR. Ce sont bien les conséquences prévisibles du choix du lieu qui la préoccupe. Au total, 300 emplois seraient concernés, sans compter ceux de la sous-traitance. Les salariés de l’établissement des Flandres de TotalEnergies n’ont pas oublié le traumatisme provoqué par la fermeture de la Raffinerie des Flandres en 2010. À l’époque, la lutte syndicale avait permis le maintien de nombreux emplois. Mais par-delà ce succès, la CGT reproche à la direction de TotalEnergies de n’avoir mis en place aucun projet industriel durable et garantissant l’avenir de tous les emplois. Les propositions de la CGT, en lien avec la transition écologique et énergétique n’ont trouvé aucun écho. Au contraire, rappelle Benjamin Tange, « la direction nous a reproché de nous prendre pour des patrons. » Aujourd’hui, le site est devenu l’un des plus grands dépôts de carburant français et européen. Mieux, 9% des stocks stratégiques français se trouvent à Mardyck et à Gravelines. Ces stocks répondent à une obligation de l’Etat pour faire face à un problème d’approvisionnement lors d’un coup dur, ou un conflit. « Il s’agit aussi de notre indépendance énergétique », rappelle le syndicaliste. Il faut aussi savoir que le site des APF génère 16 millions d’euros de recettes. Le condamner reviendrait à mettre l’activité de TotalEnergies Flandres en danger économique et structurel.

Non à un PSE, oui à un investissement

Or, rien n’est actuellement fait pour rassurer les salariés. Lorsque le directeur du raffinage en Europe, Jean-Marc Durand, a rencontré le management et les organisations syndicales à Dunkerque, le 26 août, il n’a donné aucun signe positif. Il a noté que les responsables politiques locaux sont favorables à ce que les EPR soient installés au niveau des APF. Selon eux, cela poserait moins de contraintes environnementales et de proximité des habitations. Effectivement, le président de la communauté urbaine de Dunkerque, Patrice Vergriete, se réjouit de l’annonce d’Emmanuel Macron. Quant à la direction de TotalEnergies, elle dit ne pas vouloir s’opposer sur le lieu d’implantation choisi. Lors de sa rencontre avec les syndicats, M. Durand aurait même évoqué la possibilité d’un PSE. Ne voulant pas en rester là, la CGT veut continuer à rencontrer tous les acteurs afin de porter ses revendications et exprimer ses propositions en termes de réindustrialisation. Le 15 septembre, elle devait échanger avec Patrick Pouyanné, le directeur général de TotalEnergies. Le 21 septembre, elle prévoit de discuter avec Bruno Pinatel le président de TotalEnergies Raffinage. Le syndicat insiste : «  Après 2010, l’heure n’est pas à un nouveau PSE, mais bel et bien à un investissement !  »