TOTALENERGIES MARDYCK

Réquisitions sur fond d’atteinte au droit de grève

par Philippe Allienne
Publié le 14 octobre 2022 à 13:22

Au terme de plus de deux semaines de grève, les salariés de Flandre, le dépôt de TotalEnergies de Mardyck (Dunkerque) ont vu les menaces du gouvernement mises à exécution. La CGT a donné à la direction de s’en sortir par le haut.

Après la réquisition de quatre salariés d’ExxonMobil sur le dépôt normand de Port-Jérôme (Notre-dame de Gravenchon), ceux de TotalEnergies de Mardyck (près de Dunkerque) ont subi le même sort. Ce jeudi 13 octobre, les forces de l’ordre procédaient à des contrôles d’identité à l’entrée de l’entreprise. Mais tôt le matin, six salariés grévistes ont eu la désagréable surprise de recevoir la visite de gendarmes, à leur domicile. Ces derniers leur ont remis les ordres de réquisition afin qu’ils se rendent sur leur lieu de travail et fassent en sorte que les livraisons de carburant puissent reprendre.Les réquisitions ont été rédigées de telle manière que les salariés puissent travailler par groupes de deux sur trois postes et pour une durée de 12 heures. Ils sont arrivés sur le site en début d’après-midi. Le préfet avait fait le minimum légal pour rendre la mesure efficace.À la CGT, si on ne peut s’opposer physiquement à la décision, on a décidé de se montrer ferme. À aucun moment, il n’y a eu de piquet de grève devant les portes du dépôt, à aucun moment il n’y a eu atteinte à l’ordre public permettant de justifier ces réquisitions. 10% mais, explique en substance Benjamin Tange, les salariés ont choisi de rester calmes et leur organisation syndicale a proposé à la direction de se sortir de ce conflit par le haut. En clair, la CGT demande que les demandes soient satisfaites, à savoir :

  • une revalorisation des salaires de 10%, cette année, avec un rattrapage de la hausse des prix ;
  • un dégel des embauches pour empêcher les surcharges de travail et remédier à la dégradation des conditions de travail ;
  • un plan d’investissement massif pour construire un projet industriel sérieux.

La CGT sera-t-elle entendue après un si long silence de la direction ? Jeudi soir, TotalEnergies publiait un communiqué dans lequel elle « invite les organisations syndicales à des négociations salariales collectives (...) Compte-tenu de l’attitude responsable des équipes concernées par la réquisition décidée par le Gouvernement pour rétablir les flux de carburants sortant du dépôt de Dunkerque, la Direction invite l’ensemble des organisations syndicales représentatives du Socle Social Commun à des négociations salariales collectives ce soir (jeudi 13 octobre – ndlr) à 20h00. »

Une grève et des mensonges

Inédite, la grève des salariés des raffi-neries TotalEnergies et ExxonMobile a d’abord fait l’objet d’une tentative de pourrissement. En n’entendant pas les revendications et en appelant aux négociations prochaines des NAO (négociations annuelles obligatoires), elles n’ont pas tenu compte des demandes liées à la hausse du coût de la vie. Le gouvernement est pour sa part intervenu mollement pour inciter les directions à sortir de leur mutisme. Dans un deuxième temps, on a tenté de dénigrer la grève en jouant sur le mécontentement des automobilistes, sur le danger que représentait une pénurie d’approvisionnement pour les véhicules prioritaires (secours, sécurité... et même engins agricoles) et, finalement, sur le caractère déraisonnable de salariés montrés du doigt. Le pire est sans doute venu de la direction de TotalEnergies qui a annoncé des salaires de 5000 euros ! On sait qu’il n’en est rien pour les opérateurs et que la pénibilité du travail est une réalité. Les fiches de paie ci-jointes font entendre un autre son de cloche. En réalité, les salaires net tournent plutôt autour de 2200 à 2500 euros net. Chez ExxoMobil, par exemple, le salaire de base d’un opérateur posté s’élève à 2243 euros net. Avec les primes de pénibilité pour le fonctionnement en 5 x 8 continus, le salaire net est porté à 2542 euros. La participation et l’intéressement étaient en 2019 de 21 euros et 455 euros. Autre point d’accrochage : les pourfendeurs de grève. On remarquera par exemple le communiqué de la Fédération française du bâtiment affirmant que la CGT bloque, entrave ou empêche les entreprises de travailler. Outre qu’elle n’a su donner aucun exemple de cette affirmation, la FFB semble oublier l’avertissement, le 29 septembre, des 700 salariés de l’entreprise Eiffage Construction devant le chantier des Jeux olympiques 2024.