« À Hayange, je ne sais pas comment ils le prennent, mais pour nous, c’est une bonne nouvelle. » Pour Nacim Bardi, délégué syndical CGT d’Ascoval Saint-Saulve, la décision du tribunal de commerce de Strasbourg en faveur de Liberty ne peut qu’être réjouissante, même si rien n’est jamais gagné.
Des épisodes douleureux
Il faut garder en tête le long et difficile feuilleton qu’ont vécu les salariés de Saint-Saulve depuis le plan de restructuration mis en place par Vallourec en 2015. Vallourec, un nom construit sur les initiales de Valenciennes, Louvroil et Recquignies, est cette entreprise de fabrication de tubes en acier qui, dans les années 70, ouvre l’usine de Saint-Saulve. Vallourec Saint-Saulve se compose alors d’une aciérie et d’une tuberie. C’est un des fleurons du Valenciennois. Mais un peu plus de 35 ans plus tard, le -29 avril 2015, la belle histoire se transforme en cauchemar. Vallourec annonce de nombreuses suppressions de postes pour la tuberie et cherche un repreneur pour l’aciérie. Le ministre de l’Économie de l’époque, Emmanuel Macron, rappelle alors que 130 millions d’euros ont été investis depuis 2008 et qu’il n’est pas question de fermer. Oui, mais quid du repreneur ?
En octobre 2015, les salariés apprennent la suppression de 451 postes, soit la moitié des effectifs de Saint-Saulve. Le 31 janvier 2016, c’en est fini du laminoir. Entre temps, et comme le rappelle la CGT, Vallourec a perçu 17 millions d’euros de l’État au titre du CICE. Ascometal est alors sur les rangs pour reprendre 60 % des activités de Saint-Saulve et 320 salariés très qualifiés. Mais Ascometal va mal. En novembre 2017, il est placé en redressement judiciaire. Plusieurs centaines de salariés sont concernés à Saint-Saulve et à Dunkerque. Un repreneur est recherché.
La promesse du rail
Le groupe Liberty est déjà en piste. Mais le TGI de Strasbourg lui préfère le groupe germano-suisse Schmolz-Bickenbach. Ce dernier ne prévoit pas la reprise d’Ascoval. « On est dégoûté, on s’est fait avoir », s’exclame à l’époque Nacim Bardi en rappelant la promesse d’Emmanuel Macron. Le feuilleton ne s’arrête pas là. On se souvient de l’épisode d’Altifort, candidat à la reprise fin 2018 mais qui se retire deux mois plus tard. Arrive ensuite, en mai 2019, British Steel qui reprend Ascoval, mais dont la maison mère en Angleterre est mise en redressement judiciaire peu après.« Ceux qui ne connaissent pas le monde de la sidérurgie ne peuvent comprendre le problème d’Ascoval », explique Nacim Bardi. Pendant 35 ans, « Ascoval était dans une filière intégrée avec Vallourec. Nous avions donc tout le temps des commandes parce que nous livrions les laminoirs de Vallourec. Puis Vallourec a fait d’autres choix stratégiques. Et aujourd’hui, depuis trois ans, on cherche à nous intégrer dans des groupes qui vont très mal. »
Le dernier épisode sera-t-il le bon ? Pour Nacim Bardi, « avec Liberty on s’inscrit dans une stratégie à moyen et long terme, dans une filière intégrée avec Hayange. Il y a un contrat SNCF juteux parce que, d’ici quelques années, tout le parc ferroviaire va être renouvelé. Et puis, il y a aussi bien d’autres débouchés dans le pétrole, la construction, l’automobile ou encore l’aéronautique ou l’hydrogène ». L’usine de Saint-Saulve met les moyens pour assurer son avenir et se prépare. Actuellement, en juillet, les salariés sont en congé jusqu’au 10 août. Mais sur le site, on travaille à modifier la coulée. À partir de fin août, Ascoval pourra produire des billettes et des blooms, c’est-à-dire des produits longs métalliques (barres, profilés...) et des produits cylindriques ou rectangulaires destinés à obtenir des poutrelles ou des rails. Évidemment, la situation ne peut se rétablir du jour au lendemain. Le fait d’alimenter Hayange ne suffira pas à alimenter le carnet de commandes d’Ascoval. Il faut donc trouver de nouveaux clients. À voir d’ici un an comment les choses auront progressé. Liberty, qui mise sur le « greensteel » (acier vert) doit permettre de changer réellement la donne. « Ascoval Saint-Saulve s’inscrit dans la même stratégie », observe Nacim Bardi.