Après le confinement

Les difficultés s’accumulent dans le secteur industriel

par Philippe Allienne
Publié le 12 juin 2020 à 11:10

Le déconfinement, qui entre dans sa troisième phase, s’accompagne immanquablement de la reprise du mouvement social. Dans tous les domaines et tous les secteurs, le besoin d’expression et de revendication est énorme. L’appel à la mobilisation lancé par les professionnels de la santé de l’hôpital public, mardi 16 juin, est d’ores et déjà entendu par toutes le autres professions pour dire non à la casse sociale et au « retour à l’anormal ». Le tout sur fond d’annonce par le ministre de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire de 800 000 suppressions d’emplois en France dans les prochains mois, soit 2,8 % de l’emploi total. « Un choc considérable » commente-t-il.

« Nous appelons à la mobilisation du 16 juin pour soutenir l’hôpital public et les professionnels de la santé. Mais l’Union départementale de la CGT appelle aussi à une mobilisation inter- professionnelle. Pour notre part, les métallos seront mardi matin à Valenciennes et dans l’après-midi à Lille. Outre la santé, il s’agit de défendre plus généralement les emplois, les conditions de travail, les salaires, etc. »S’exprimant lors d’une conférence de presse à Valenciennes, ce 10 juin, le responsable régional de la métallurgie CGT Nord-Pas-de- Calais, Ludovic Bouvier, va dans le sens des hospitaliers. Dans un tract appelant à cette journée, l’USD CGT Santé/Action sociale écrit elle-même que « la mobilisation des salariés est non seulement le seul rempart aux reculs sociaux mais aussi et surtout le seul moyen de changer la société en profondeur et durablement ».

Mouvements de grève

À l’image de celui de l’industrie française et de ses sous-traitants, touchés de plein fouet par la crise économique, le tableau dressé par le syndicat de la métallurgie fait froid dans le dos. Premier du groupe automobile PSA à reprendre ses activités après le confinement, Sevelnord (Hordain) a redémarré complètement le 11 mai (après une première étape le 5 mai avec 162 volontaires). Comme tous les constructeurs, PSA prévient que le retour à la normale sera long. Si le choix a d’abord été porté sur Sevelnord, c’est que son carnet de commandes est fourni, comme l’a affirmé le PDG du groupe Yann Vincent, sans toutefois citer de chiffre. La reprise s’est faite avec une seule équipe pour augmenter vers 660 personnes à partir du 11 mai et développer la production progressivement : 295, puis 540 et 700 véhicules utilitaires par semaine.

Pour rattraper le rythme de production et les pertes dues au confinement, la direction a limité les congés à deux semaines pour tous, déclenchant la colère des salariés et un mouvement de grève. Finalement, ceux qui avaient pris une réservation pour partir pourront le faire à la date convenue.Chez MCA, qui évite le regroupement avec Renault-Douai au moins jusqu’en 2023 , la CGT se montre peu rassurée. « Chacun sait que l’électrification nécessite moins de main d’œuvre que la production de véhicules classiques » (essence ou diesel) dit Ludovic Bouvier qui craint des coupes sombres à terme. D’autant que la crise sanitaire a accentué une baisse des effectifs. Renault-Douai a annoncé une diminution de 30 % de son effectif.

À Jeumont, Jeumont-Electric (alternateurs et moteurs électriques) envisage de supprimer les équipes postées pour mettre en place une équipe de jour. « C’est déjà acté », dit Ludovic Bouvier même si l’on évoque la possibilité de travailler en deux équipes. Dans le secteur de la sous-traitance aéronautique, SKF (Rouvignies) a vu 30 % de son carnet de commandes annulés.

Gros retards de livraison chez Bombardier

Chez le constructeur ferroviaire Bombardier (1 500 salariés et 500 intérimaires) à Crespin, les salariés se battent également pour la préservation de leurs congés. À l’instar de Sevelnord, l’entreprise a annoncé la suppression d’une semaine de congés cet été afin de rattraper le retard de production. L’usine n’a pas fonctionné durant deux mois de confinement et sort affaiblie de la crise sanitaire avec beaucoup de retard dans ses livraisons. Un tiers du personnel s’est mis en grève dès ce lundi 8 juin avec occupation de l’entrée de l’usine. Après un échec des négociations le 10 juin, le mouvement s’est durci. La direction propose une prime exceptionnelle de 200 euros et une semaine de salaire supplémentaire. Elle évoque l’importance d’honorer les commandes pour soulager la trésorerie et « compenser les pertes de salaires liées au chômage partiel ».

Il faut aussi rappeler que cette usine française du groupe canadien est en cours de rachat par Alstom. Autre entreprise évoquée par le syndicat de la métallurgie : l’usine d’engrenages CMD à Cambrai (200 salariés). Le déconfinement est arrivé dès fin mars. La direction avait décidé de diminuer le temps de travail journalier pour le porter à six heures avec diminution de salaire et rattrapage le samedi. Une grève a permis un recul de la direction qui a cédé sur un horaire de six heures payées huit. Le travail du samedi se fait sur volontariat.