Liberté Hebdo
Santé

Covid et état des hôpitaux, les limites de la propagande

par Etienne Alain
Publié le 22 mars 2021 à 14:57

On peut mentir tout le temps, on peut mentir à tout le monde mais on ne peut mentir tout le temps à tout le monde... Du moins faut-il l’espérer. Cette citation vaut de tout temps. Elle est particulièrement vraie en ce moment. Retour sur une visite ministérielle dans le Pas-de-Calais.

Le ministre des Solidarités et de la Santé, Olivier Véran, était à Boulogne-sur-Mer ce week-end, accompagné de Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, et de Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l’Autonomie. L’objet officiel était le lancement d’une vaste campagne de vaccination dans le département dont les habitants étaient cloîtrés chez eux pour quatre week-ends. Une espèce de compensation pour marquer l’attention que le gouvernement porte à cette population qui souffre. Opération réussie puisque la presse régionale titrait fièrement dès dimanche soir : « Dans les Hauts-de-France 46 505 habitants ont reçu une injection » (contre 6 540 injections le week-end précédent), « Livraison exceptionnelle de 26 910 doses », « Allocation de 5 850 doses supplémentaires chaque semaine à compter d’aujourd’hui »... En bref, « c’est un record ».

Le record qui cache la pénurie

Or, quelques jours avant l’opération, Jean-Marc Tellier, maire (PCF) d’Avion dénonçait la pénurie avouée par « le centre de vaccinations internationales Bertinchamps » à Lens qui révélait « qu’en raison d’une forte demande, ce centre n’a plus de disponibilités : des vaccinations vont avoir lieu dans les 28 prochains jours. Réessayez dans quelques jours ou cherchez un autre centre [1] ». Bon d’accord, mais cela, c’était juste avant les annonces ministérielles. Et chacun sait que les cocos ont tendance à exagérer pour monter le bon peuple contre nos élites. Certes, sauf que depuis « le record » salué par presque toute la presse, les réponses des centres de vaccination du Pas-de-Calais (et alentours) répètent le même message. Aire-sur-la Lys : « pas de disponibilité avant le 26 mars », Blendecques : « pas de disponibilité », Bourbourg : « plus de disponibilités, 100 vaccinations vont avoir lieu dans les 28 prochains jours », Boulogne-sur-Mer : « en raison d’une très forte demande et d’un stock limité de vaccins, tous les rendez-vous ont déjà été pris »... Si vous en trouvez un, faites-nous signe.

Du délabrement des hôpitaux à la maltraitance des « premières lignes »

Le pire est que cette situation s’accompagne du délabrement programmé du système de santé publique. Depuis des mois les Smur et Samu des hôpitaux du Pas-de-Calais sont régulièrement, à tour de rôle, en arrêt le week-end. La liquidation de lits d’hôpitaux se poursuit, comme à Lens dont le nouvel hôpital comptera 300 lits de moins qu’aujourd’hui. Que rien n’a été fait depuis un an pour l’ouverture de lits supplémentaires et que les hôpitaux en sont réduits à supprimer des lits de certains services pour les réaffecter au Covid... Ajoutons à cela des conditions de travail qui se dégradent. Comme en 14/18 dans les tranchées, les « premières lignes » sont sans cesse renvoyées au front. Une situation parfois aggravée par le management de certaines directions, comme à l’hôpital Duchenne de Boulogne-sur-Mer où une expertise demandée par le CHSCT démontre que cette dernière use de méthodes autoritaires, de harcèlement, d’une forte augmentation des emplois précaires, de violences verbales… En résumé, une « organisation maltraitante poussant les salariés à l’épuisement professionnel et au risque » avec un nombre significatif d’agents, cadres et médecins en burn out et des arrêts de travail plus important que la moyenne nationale. Le ministre, en visite à Boulogne, aurait pu en profiter pour traiter du problème. Mais, interpellé par les syndicats, il ne répond pas. Pas plus que Brigitte Bourguignon qui ignore volontairement le sujet. Quant au président du directoire, Frédéric Cuvillier, maire de Boulogne, il s’est résolument rangé du côté du directeur. Ce dernier, qui considère que les agents qui se plaignent ont un problème avec la notion de hiérarchie, a supprimé la prime Covid aux soignants qui l’ont contractée. Réaction de Frédéric Cuvillier : « Ceux qui ont le cancer ne l’ont pas touchée non plus... » Le mépris des nantis...

Notes :

[1Source : le site doctolib.fr consulté le à 03/03/2021.