Brillamment réélu en 2020 à la tête de cette commune de 7 000 habitants, Christian Champiré a, par fidélité aux valeurs qu’il porte, choisi de céder son fauteuil majoral à l’âge de 60 ans. Cet enseignant de collège devra toutefois attendre septembre 2024 pour faire valoir ses droits à la retraite auprès de l’Éducation nationale. « J’ai choisi le métier de professeur pour les vacances », s’amuse-t-il. Des responsabilités académiques au Snes puis des fonctions électives en décideront autrement.
Des parents ouvriers
En 1987, à la faveur de l’obtention d’un Capes d’histoire-géo, il est muté à Neuilly-sur-Seine. À l’annonce de cette nomination, sa grand-mère maternelle ne peut s’empêcher de verser une larme. D’extraction paysanne, celle-ci « avait, à 40 ans avec deux filles de 10 et 12 ans sous le bras, quitté son Finistère natal et un mari alcoolique pour travailler comme femme de ménage dans cette ville de la région parisienne. Il fallait oser », souligne Christian Champiré. Ce dernier naîtra à Antony de l’union de parents qui « se sont rencontrés à l’usine SKF. Mon père y travaillait comme ajusteur et ma mère à la chaîne ».
À Grenay depuis trente ans
Pour financer ses études universitaires, il expérimente la condition ouvrière à l’usine Renault de Flins. Il exerce aussi comme facteur et, titulaire d’un brevet d’État, forme de jeunes judokas dans une MJC. Devenu enseignant, il décide de déménager dans le Pas-de-Calais. « Ma compagne avait ses parents à Dunkerque, moi dans la région parisienne. Nous nous sommes installés à mi-chemin à Loison-sous-Lens puis à Grenay à l’automne 1993. Je m’en souviens très bien, c’était le jour de France-Bulgarie, qualificatif pour la Coupe du Monde aux États-Unis, un match perdu par les Bleus. Ça n’augurait rien de bon », se marre ce supporter du RC Lens. Encore une fois, le destin contredira ses prévisions puisque le couple fera de ce coin du « Pays noir » sa terre d’accueil.
Marcher sur ses deux jambes
Nommé à Dourges puis au collège de Grenay, il est très vite convié par Liliane Denis, à la tête du Snes régional, à prendre des responsabilités en son sein. Il y sympathise avec des militants du Comité Honecker et du futur PRCF et adhère naturellement en 1997 à la section Julien-Hapiot du PCF. « Au début, j’étais impliqué dans le syndicalisme. J’ai pris conscience que pour marcher sur les deux jambes, un engagement politique était utile », admet Christian Champiré. Depuis, il ne s’est jamais départi de son attachement aux valeurs fondatrices du Parti.
L’internationalisme au cœur
En 2001, il intègre le conseil municipal dirigé par Daniel Breton, à qui il succède en juin 2008, peu après sa disparition, « sans vraiment m’y être préparé ». Il prend alors la tête d’une ville « communiste sans discontinuité depuis 1953 ». Et l’ancre davantage encore dans une tradition internationaliste et anticolonialiste inaugurée « en 1957, lorsque le maire Edmond Bince a été suspendu de ses fonctions pour avoir dénoncé la guerre d’Algérie ». Indéfectible soutien à la cause palestinienne, il a fait de Georges Ibrahim Abdallah, de Salah Hamouri ou encore des militants de l’IRA Raymond McCartney et Séanna Walsh, des citoyens d’honneur d’une commune jumelée avec Ballyshannon (Irlande).
Les réussites du communisme municipal
Partisan du municipalisme qui faisait débat au sein du mouvement communiste, Christian Champiré se félicite de l’émergence, dès l’entre-deux-guerres, « de villes communistes avec leur capacité à inventer un monde plus solidaire. Le communisme municipal a transformé la vie des communes : bibliothèques gratuites ou peu chères, le sport pour tous, les aides sociales sans paternalisme… Il a rendu nos vies moins individualistes ». Adjoint à la culture, il aura pour mission de faire vivre l’espace culturel Ronny-Coutteure et de développer la lecture publique. Devenu maire, il aura la fierté d’inaugurer en 2015 la médiathèque-estaminet. « Elle a permis à nos gamins qui n’ont pas tous les moyens de lire à la maison, de voir le monde dans toute sa diversité. Elle a changé le rapport à la culture », estime Christian Champiré qui se réjouit tout autant d’avoir imaginé ici des « espaces de vie (parc Aragon, etc.) où se côtoient les générations ». Favorisant l’expression des adolescents, « on a réappris aux gens à vivre ensemble ». Nul besoin dans ces conditions de caméras ou de police municipale ! « On a construit une alternative à ça. Je ne fais pas dans l’angélisme pour autant. La délinquance existe. Mais quand il y a un gros souci, la police nationale fait son taf ! » embraye le premier magistrat. À l’heure des bilans, il estime qu’« être maire est une fonction incroyable qui demande une énergie, une disponibilité et une carapace sacrément épaisse ». Son énergie, il pourra désormais davantage encore la consacrer à son parti puisqu’il compte bien poursuivre son engagement au service de la classe ouvrière. « Je n’irai pas à la pêche », conclut-il dans un grand éclat de rire.