La pauvre. Alors que l’on avait si peu entendu Brigitte Bourguignon lorsqu’elle était ministre déléguée chargée de l’Autonomie, la voilà, devenue ministre de la Santé (et toujours candidate aux législatives dans le Pas-de-Calais), qui annonce des mesures d’urgences (les « premières », dit-elle) face à la crise. Et elle énumère : doublement de la rémunération des heures supplémentaires ; possibilité d’exercer dès l’été pour les élèves infirmiers et aides-soignants dont la formation s’achève fin juin ou juillet ; facilitation du cumul emploi-retraite. C’est ainsi qu’au lendemain de la mobilisation nationale des hospitaliers du 7 juin, elle a rencontré les urgentistes, « non pas pour minimiser les difficultés de notre système de santé, mais pour leur dire, en responsabilité, que nous bâtirons, avec la ville et l’hôpital, des solutions nouvelles, rapides et efficaces, pour les dépasser ». Qu’en termes clairs ces choses-là sont dites. Sauf que le personnel hospitalier qui appelait à la grève n’entend pas s’en laisser conter. À Lille, le manque de moyens a une fois de plus été dénoncé à l’occasion d’un rassemblement devant l’Institut cœur poumon du CHR. Sans la conscience professionnelle des soignants, que deviendraient les patients ? ont-ils notamment demandé. Les patients doivent supporter des attentes beaucoup trop longues pour des examens. Pour des raisons de moyens, la qualité des soins pose problème. Même Martin Hirsch, le directeur général de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris depuis bientôt neuf ans ne peut nier la réalité. La politique du chiffre, la tarification à l’activité, la gestion de l’hôpital public comme s’il était une entreprise, les insuffisances et les impasses du « Ségur de la santé » ne laissent personne optimiste.
À l’hôpital de Roubaix, où le plan blanc avait été réactivé le 11 avril, non pas pour cause de Covid, mais pour faire face au manque de personnel, on en sait quelque chose. Là comme ailleurs, les faiblesses du système hospitalier avaient été dénoncées bien avant l’arrivée de la pandémie. Depuis, la crise sanitaire a aggravé la situation. La CGT a lancé une pétition en ligne pour réclamer « le droit à être soigné » et pour dénoncer une « médecine à deux vitesses ». Ce mardi 7 juin, les hospitaliers roubaisiens ont choisi de porter leurs revendications à travers un pique-nique organisé dans la cours du centre Barbieux. Sous le petit chapiteau rouge, la bonne odeur du barbecue et la convivialité étaient propices à la libre parole. Brancardiers, personnel administratif, soignants, toute hiérarchie oubliée, ont échangé autour des conditions de travail. Elles sont invivables. Les visages sont marqués, les yeux bouffies et la gorge tremblote. « Le 7 juin, c’est une opportunité à la veille des élections législatives parce que le budget des hôpitaux est décidé par les députés. Les problèmes que l’on a, c’est un problème de financement » explique Jacques Adamski, secrétaire général santé du Centre hospitalier de Roubaix. La crise sanitaire a permis de mettre en lumière le travail des employés médicaux, cependant ce n’était qu’illusoire pour la suite. « On a deux ans de Covid, et rien n’a changé. Les conditions de travail sont déplorables partout, et rien n’a été fait pour les changer » déplore le syndicaliste. Il souligne également le manque d’attractivité du monde médical public. « Par exemple, une personne qui souhaite rentrer à l’hôpital avec un bac + 4 en gestion répond à un besoin de gestionnaires. On lui propose de rentrer au Smic avec un CDD. On a de plus en plus de CDD alors que l’on est dans la fonction publique. Avec de tels contrats précaires, il est impossible de trouver un logement, acheter une voiture... Et si le contrat n’est pas renouvelé, il n’y a plus rien. » Et de préciser : « Nous avons demandé par écrit aux candidats aux législatives ce qu’ils feront pour l’hôpital en cas d’élection. Il y a quelque chose de très simple à faire, c’est de supprimer la taxe sur les salaires. Dans le public on en a une, alors que dans le privé il n’y en a pas. Alors que l’on a les mêmes règles. » Le personnel hospitalier fait front. « On est tous dans la même merde, on est tous dans le même bateau. L’hôpital actuellement c’est le Titanic » conclut Jacques Adamski. L’appel est passé, encore.