Le 10 mars dernier, Liberté Hebdo rendait compte de la situation de l’hôpital Duchenne de Boulogne-sur-Mer, des conditions de travail des personnels hospitaliers, des conditions d’accueil des patients, y compris aux urgences ou dans les Ehpad de l’établissement. Un rapport du cabinet d’études Émergences, demandé par le CHSCT - direction comprise - pointait des dizaines de dysfonctionnements, des personnels épuisés, harcelés parfois jusque chez eux, des matériels manquants ou obsolètes, des services en sous-effectif grave... Émergences formulait quelques propositions de nature à régler certains problèmes mais mettait l’accent sur la gestion « hors-sol » d’une direction qui ne tenait pas compte des réalités en s’appuyant sur des modèles bureaucratiques de gestion. Le rapport n’eût pas l’heur de plaire à la direction qui, au lieu d’engager le dialogue comme l’y invitaient les syndicats, assigna Émergences au tribunal de Boulogne pour avoir rendu un rapport mal travaillé pour ce qu’il avait coûté. En fait, en mettant en cause le sérieux du travail du cabinet - surpayé selon la direction et son président, le maire (PS) de Boulogne-sur-Mer - c’est tout le contenu que ceux-ci voulaient mettre en cause.
Discours patronal du XIXe siècle
Après deux demandes de renvoi par la direction, la troisième audition eût lieu en mars. L’avocat de la direction, usant d’un discours tiré de celui du patronat du XIXe siècle, tenta de démontrer que la volonté du cabinet et de ceux qui le soutenaient (les syndicats) avait uniquement pour objet de rallumer une lutte des classes aujourd’hui dépassée. En gros, le cabinet inventait, les salariés interrogés avaient des problèmes avec la notion de hiérarchie, le rapport était mensonger. Pas de bol, les juges et la présidente du tribunal, avant de rendre leur avis, se sont farci les 69 pages de synthèse et les 248 pages du rapport avec les faits et les témoignages tout en se penchant sur les manquements de la direction qui avait légèrement violé des procédures d’enquête, oublié ou n’avait pas eu le temps de fournir toutes les données nécessaires à la réalisation de l’enquête. Et le tribunal de donner raison à Émergences, donc au CHSCT et aux syndicats, et de renvoyer la direction dans ses buts. Quelques semaines se sont passées sans que rien ne change dans la gestion et dans les rapports entre cadres directoriaux et salariés.
L’attitude des salariés sera déterminante
Jusqu’à il y a deux ou trois semaines où le dialogue, hier impossible, l’est brusquement devenu. Certains problèmes, comme l’absence de personnel de brancardage aux urgences, ont été résolus. Prise en considération du jugement, de la réalité et du ras-le-bol qui gagne tout le personnel ? Départ du directeur qui sévit désormais au CH de Dunkerque ? Arrivée d’un nouveau directeur ? Frédéric Bourgois, le secrétaire de la CGT n’a pas la réponse. Lors de la présentation de l’enquête d’Émergences au personnel, dans un des amphithéâtres de l’hôpital, il a tenu à signaler au personnel que la direction dit désormais prendre en compte la qualité de vie au travail et que des réunions constructives sont enfin possibles. Pas d’illusions cependant. Le chantier des manques à combler est immense, les habitudes bureaucratiques ne disparaissent pas parce qu’on le décrète. Quant aux problèmes de manque de personnel, donc de nécessité de créations d’emplois comme les questions salariales, il faudra plus que quelques réunions pour avancer. Et l’attitude des personnels sera déterminante.