« Rassembler largement, même si nous ne sommes pas d’accord sur tout. » Elle l’avait dit à Dunkerque, lors de la journée d’été du Parti communiste, elle l’a répété lors de la rencontre organisée mardi 8 septembre à la Bourse du travail. Pour Michèle Leflon, il y a urgence. La présidente de la Coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité estime que par-delà les divergences, les syndicats des personnels hospitaliers, collectifs inter-hôpitaux et inter-urgences, soignants et usagers doivent s’unir pour envoyer un électrochoc à l’hôpital. Il est malade, et au-delà, tout le système de soins est malade.
30 ans de crise, au moins
Cela ne date pas de la crise sanitaire actuelle bien sûr. La coordination a été créée en 2004, à Saint-Affrique (Aveyron). « Nous ne sommes pas une association d’usagers comme les autres » insiste sa présidente. Les comités de défense sont nés lorsque les usagers ont bien pris conscience que la santé était en train de se marchandiser. « Tout a commencé avec la loi sur le numerus clausus de 1971 limitant drastiquement le nombre d’étudiants en médecine pouvant passer en deuxième année. » Une loi qui, peu après 1968, instaurait la sélection dans les facultés de médecine avant d’être remise en cause récemment. Durant 50 ans, elle a limité le nombre de médecins en France. Les choses se sont enchaînées, voire emballées, en allant vers une logique implacable : moins d’argent pour le système public de santé. Cela a favorisé le privé et a éloigné les usagers de l’hôpital public. En 2009, la loi Bachelot accélére le mouvement. Plus tard, les lois Touraine (Marisol Touraine était ministre de la Santé sous la présidence de François Hollande) puis Buzyn ont aggravé la situation. « Quand aujourd’hui les médecins hospitaliers qui intègrent le mouvement de protestation disent que la crise remonte à dix ans, ils se trompent. » En fait, il faut remonter à au moins une trentaine d’années avec la transformation sociale et la mise en concurrence du secteur en Europe. La loi Bachelot de 2009 marque un tournant avec la suppression des conseils d’administration des hôpitaux publics qui étaient dirigés par les maires de la ville principale. Ces CA sont devenus des conseils de surveillance et la logique gestionnaire s’est répandue. Principales conséquences : raccourcissement des durées d’hospitalisation, suppressions de lits, rétrécissement drastique de la durée des soins (on passe de dix à trois jours), aggravation des conditions de travail du personnel hospitalier qui commence à quitter l’hôpital public, crise des services des urgences. C’est d’ailleurs le malaise aux urgences qui va déclencher le premier mouvement. Mais auparavant, il y avait aussi un malaise prégnant en psychiatrie et dans les Ehpad (Lire aussi « Ehpad : le risque du syndrome de glissement »). Un malaise qui ne s’est pas atténué avec la Covid.
Pour un hôpital public fort
Cette crise sanitaire profonde, qui va de pair avec une grave crise économique et sociale, ne se limite évidemment pas à la France. Outre les actions syndicales, on voit se développer des initiatives comme les comités de défense ou le Collectif santé en danger lancé par le Dr Arnaud Chiche (Lire aussi « Le collectif « Santé en danger » réclame un Ségur II »). En Belgique, des soignants ont créé le mouvement « La santé en Lutte » dont deux représentants sont venus au meeting de Lille du 8 septembre. Ils s’insurgent contre les 405 millions d’euros débloqués l’an passé par le gouvernement, suite au mouvement social du 10 mars. « Des miettes quand on ramène ce chiffre à des créations de postes équivalents temps plein », critique le Docteur O’Brien (Lire les témoignages des médecins belges). En France, les soignants n’en finissent pas de s’en prendre aux accords Ségur qui, en aucune façon, ne répondent à leurs demandes pourtant si légitimes. Pour la Coordination nationale présidée par Michèle Leflon, il faut d’abord et avant tout un hôpital public fort et il faut un service public de soins territorial avec tous les services de proximité nécessaires.