© Laurent Mayeux

Le train du futur s’invente dans le Nord

par Nadia DAKI
Publié le 14 juillet 2022 à 17:08

Plus léger, moins énergivore, connecté, le train du futur s’imagine dans le Nord, notamment à Valenciennes et à Petite- Forêt où des scientifiques testent, parfois grandeur nature, différentes propositions.

C’est dans un showroom flambant neuf que les équipes de l’Institut de recherche technologique (IRT) Railenium ont fait une démonstration de leurs travaux de recherche fin juin à Valenciennes. On y découvre des simulations réalistes et des trains liftés. Car les trains du futur seront notamment plus légers et plus autonomes.

Des trains autonomes moins énergivores

Les trains du futur ne voleront pas, ou alors pas dans un futur proche. En revanche, exit la voix du conducteur qui salue, informe ou indique les tant redoutés retards ou accidents aux voyageurs. Car, d’ici quelques années, ces trains seront autonomes, sans conducteur. Comme les métros en somme. Les innovations présentées par Railenium sont le fruit de nombreuses recherchees, menées pour la plupart, conjointement avec la SNCF et Alstom. Ces projets de train autonome concernent essentiellement les actuels TER. D’ailleurs, il y a un an, des premiers essais ont eu lieu entre Aulnoye et Calais avec à son bord des ingénieurs et des techniciens. Des tests des systèmes de perception et reconnaissance des signaux ont été réalisés. Et ces trains sont prévus pour... après-demain. Cette fin juin, à l’occasion de l’inauguration de son showroom, Railenium a rappelé la date de mise en service de tels trains : 2024. « Ces trains vont notamment permettre de redynamiser les dessertes fines des territoires, indique Bertrand Minary, directeur général de Railenium. Ces petites lignes, souvent en mauvais état, encore majoritairement non électrifiées, risquent pour certaines d’entre elles d’être fermées. Pourtant, elles couvrent 10 % du trafic. Des trains moins lourds permettent une réduction significative des coûts globaux notamment en termes d’exploitation et de maintenance mais également ceux liés à l’énergie. » L’autre lifting concernera les voies. Plus précisément les signalisations qui seront moins nombreuses, conséquence des technologies embarquées et de la connexion des trains. L’exploitation des trains sera plus souple avec des conducteurs au sol capables de télé-conduire plusieurs trains à la fois ou avec des trains complètement autonomes. Avec toutes ces innovations, peut-on se permettre un rêve supplémentaire ? Celui de trains non déprogrammés ou qui arrivent à l’heure ? Là-aussi, les chercheurs se sont penchés sur la question. Des systèmes d’aide à la conduite devraient améliorer la ponctualité. D’autres dispositifs sont également mis en avant comme des systèmes de télé-conduite reliés à un poste de supervision.

Une conduite à distance

On se croirait dans un jeu vidéo grandeur nature. Pourtant, le pupitre de télé- conduite, reproduit à l’échelle réelle, est le fruit du projet de recherche TC-Rail. Ce dernier vise à démontrer la faisabilité d’une conduite à distance d’un train grâce à une liaison 5G. Des briques d’intelligence artificielle peuvent être intégrées pour aider à la prise de décision. Un tel outil permet d’optimiser les phases de secours ou certaines tâches comme la remonte de trains de la gare au garage. Mais, le pupitre peut se révéler tout aussi intéressant comme simulateur d’apprentissage. Il a d’ailleurs déjà fait l’objet de tests par Alstom à Petite-Forêt, l’an dernier. « Nous avons réalisé des tests auprès d’utilisateurs pour évaluer les interactions possibles et améliorer l’interface homme-machine, précise Christophe Pargalia, ergonome. Si le système ne fonctionne plus dans un train, on peut parfaitement prendre le contrôle depuis ce pupitre. » « Le train autonome et le pupitre de télécabine permettront d’augmenter les capacités de transport, est convaincu Stéphane Torrez, président de Railenium. La conduite des trains sera optimisée, qu’elle soit autonome ou avec conducteur car l’autonomie permettra de mieux répartir les plannings des conducteurs. On gagnera également en flexibilité. »

Intelligence artificielle

La recherche permet ce pont entre science-fiction et réalité. Mais ces innovations sont bien réelles. « Aujourd’hui et a fortiori encore plus demain, nous ne pouvons pas imaginer des solutions sans intelligence artificielle, analyse Bertrand Minary. Des modèles de simulation permettent de prédire les comportements des équipements. D’autres modèles mathématiques vont aider le conducteur dans sa prise de décision. Pour une meilleure gestion de l’énergie et pour assurer la dynamique du ferroviaire, aujourd’hui nous ne pourrons pas nous en affranchir. » Certains trains sont déjà équipés en capteurs embarqués pour surveiller l’état du matériel roulant et des infrastructures. Parmi les innovations présentées, Flexy est l’une de celles qui a attisé la curiosité des partenaires présents. Il s’agit d’un petit train, sorte de navette, pouvant passer du rail au bitume.

Un train tout-terrain

Certes, on n’est pas encore dans un James Bond ou dans un Fantômas mais la Flexy dispose de roues permettant de passer d’une surface à l’autre sans encombre grâce à un système de double jante ou de roue double fonction. Prévue pour les petites lignes ferroviaires fermées d’une longueur de 10 à 30 km, elle peut transporter jusqu’à 9 personnes. Son expérimentation sur ligne est prévue en 2024. Actuellement, l’IRT cherche un marché ayant besoin de ce type de desserte. Cette navette rail-route pourra aller chercher des voyageurs qui habitent loin des gares. Elle est également pensée comme un moyen de transport accessible aux personnes à mobilité réduite et à celles n’ayant pas de voiture ou de permis. Flexy se présente comme une alternative à la voiture individuelle dans les territoires ruraux. Capable de rouler à 60 km/h, elle est électrique et conçue spécifiquement pour les premiers ou derniers kilomètres depuis ou vers les gares. Une manière selon la SNCF de redynamiser les petites lignes. D’autant plus que les coûts sont divisés par deux par rapport aux solutions ferroviaires classiques, assure-t-elle.