DR
SNCF

Une grève qui suscite la colère mais qui résulte d’un défaut de dialogue

par Philippe Allienne
Publié le 23 décembre 2022 à 07:53 Mise à jour le 22 décembre 2022

C’est certain, avec la grève des contrôleurs, en plein week-end de Noël, suscite beaucoup d’incompréhension et ne contribue pas à aider la cote de popularité des salariés. Reste que le collectif qui utilise cette arme révèle des cheminots à bout.

Au bas mot, 200 000 voyageurs ont appris que leurs trains sont supprimés pour ce week-end de Noël. S’il leur faut trouver une solution différente pour passer les fêtes en famille, ou non, les protestations les plus véhémentes viennent des membres du gouvernement et de la direction de l’entreprise. Le porte-parole du gouvernement Olivier Véran ne cache pas sa colère, invoque la « trêve » contre la « grève » et trouve l’action des cheminots « vraiment inacceptable  ». La direction de la SNCF estime quant à elle que le mouvement est inutile vu que les contrôleurs auraient déjà obtenu une augmentation brute de 600 euros par an de… leur prime de travail. En fait, la grève est menée par un « collectif de contrôleurs » qui souhaite agir en dehors des syndicats. La CGT, en tout cas, n’est pas dans ce mouvement soutenu au départ par Sud Rail et la CFDT. Mais il ne faut pas s’y tromper. Si les contrôleurs jouent la carte catégorielle, il ne faut pas perdre de vue que «  l’entreprise joue le jeu qui consiste à ne pas négocier et à attendre le dernier moment » estime Xavier Wattebled, secrétaire régional CGT pour les cheminots du Nord – Pas de Calais. « Nous avons nous aussi des revendications pour les contrôleurs, mais nous faisons du spécifique, pas dans le catégoriel  », dit-il sans pour autant condamner le mouvement. Pour lui, la balle est vraiment dans le camp de la direction de la SNCF et ce n’est pas la promesse par SNCF Voyageurs de rembourser les usagers à 200% (ce qui posait d’ailleurs des problèmes techniques juste après l’annonce) qui peut régler la question.

« Aujourd’hui, explique le syndicaliste, on a affaire à des sociétés anonymes et non plus à la SNCF que l’on a connue. Ce que veulent les cheminots, ce sont des hausses de salaires, de meilleures conditions de travail mais aussi les moyens de travailler. Leurs revendications ne datent pas d’hier. Il faut bien comprendre que le rapport de force est nécessaire. La grève est l’aboutissement de la non-négociation. Pour sa part, l’État demande à l’entreprise d’appliquer les restrictions budgétaires qu’il impose et s’offusque que les salariés n’en peuvent plus ! » Or, poursuit en substance Xavier Wattebled, l’État et la direction de la SNCF font des choix qui ne peuvent qu’aggraver les choses. C’est le cas, par exemple, avec l’ouverture à la concurrence qui ne va rien régler. Localement, dans les Hauts-de-France, on voit aussi un durcissement du président du Conseil régional, Xavier Bertrand qui n’hésite pas à couper la parole à une élue communiste, voire à la menacer. Parallèlement, des médias appuient férocement cette politique en dénigrant les cheminots. Sur RTL, Pascal Praud vient encore d’en faire la démonstration en interviewant, pour la démolir, une contrôleuse. En clair, il estime que, juste titulaire d’un bac et touchant un salaire de 2000 euros (mais en oubliant qu’une grande part est composée de primes !) elle n’a qu’à se considérer heureuse. La haine anti cheminots et anti syndicale bat donc son plein de toute façon. «  Pascal Praud montre bien qu’il ne connaît rien au monde du travail, poursuit Xavier Wattebled. Si cette contrôleuse est entrée avec un bac, elle a suivi une formation de 3 à 6 mois qui valide son diplôme de contrôleur. Mais on sait bien qu’il importe de casser les syndicats » pour mener à bien les politiques enclenchées. En attendant, les revendications demeurent pour l’ensemble des salariés du rail : hausse des salaires (ils ont été gelés pendant huit ans et l’augmentation de 3 à 4% est loin du compte dans un contexte inflationniste très important) ; moyens humains et matériels (qui manquent cruellement) ; défense des retraites, conditions de travail, etc. Chacun des six métiers cheminots (producteurs, contrôleurs, aiguilleurs…) est concerné de la même façon.