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Été maussade

Monsieur Météo, ta grenouille est malade

Publié le 20 août 2021 à 11:07

Mais que se passe-t-il dans la tour de verre de Météo-France ? Deux ans avant la canicule de 1976, les chanteurs populaires Carlos et Joe Dassin se moquaient des présentateurs du bulletin météo d’Europe 1 et de RTL, Albert Simon et sa célèbre grenouille et JeanBreton. 47 ans plus tard, à voir l’été pourri que nous finissons de vivre, ils pourraient recommencer. Nous avons demandé des explications à un ingénieur-prévisionniste de la vénérable maison.

Météo-France, établissement public administratif, est le service officiel de la météorologie et de la climatologie en France. À ce titre, il exerce les attributions de l’État en matière de sécurité météorologique des personnes et des biens. » Voilà qui est très sérieux et qui devrait à coup sûr nous mettre en confiance. Sauf que le très long épisode pluvieux (on pourrait même parler de série) que nous avons vécu depuis juin, entrecoupé de quelques jours de forte chaleur, a l’air d’avoir pris les spécialistes de court. « Ma grenouille est malade (...) et elle n’a plus vingt ans (...). Le soleil est en rade, elle avait annoncé du beau temps.  » Carlos peut revenir pour se payer la tête d’Albert Simon. Cet été, les présentateurs météo, agents de Météo-France ou journalistes exerçant à la radio ou à la télévision n’ont rien eu à envier à leurs illustres prédécesseurs. Il ne sert pourtant à rien de casser le thermomètre. Les explications sont plus complexes. C’est d’abord ce que nous ont expliqué les services de Météo-France qui, très frileux, ont mis plus de deux semaines pour nous accorder un entretien et, surtout, nous trouver un interlocuteur. En résumé, le personnel de l’établissement public est peu nombreux, il lui arrive de changer souvent de station (« Je travaillais hier à Villeneuve d’Ascq, je me trouve aujourd’hui à Boulogne-sur-mer, je serai demain en Normandie », nous confiait un responsable voici quelques jours). Météo-France répond aussi à cet autre phénomène qui se répand aujourd’hui partout, dans tous les services publics ou privés : la communication. La parole, fut-elle d’un expert, n’est pas, n’est plus libre. Qu’à cela ne tienne. En insistant avec la force d’un orage d’été, nous sommes parvenus jusqu’au téléphone de Jean-Yves Choplin.

Un problème d’interprétation

Selon lui, l’annonce dans laquelle Météo- France prévoyait de fortes températures pour cet été, aurait en fait été mal interprétée : « On ne peut pas donner le temps sur un mois, on ne sait pas le faire. Mais début juin, on peut dire que l’été sera plus chaud que la normale. Ça ne veut pas dire qu’il fera chaud pendant trois mois, ça peut être périodique, c’est une moyenne. » En effet, si l’on prend les températures de l’entièreté du territoire pour en faire une moyenne, on constate qu’elles sont bien au-dessus des normales de saison, ce qui a d’ailleurs contribué aux violents incendies qui se sont déclarés récemment dans le sud de la France.

Le changement climatique en cause ?

« Notre climat tempéré varie beaucoup » poursuit-il, ce qui justifie ces écarts de températures entre le nord et le sud de la France. D’autant plus qu’« on a été habitué à de fortes températures ces dernières années, les derniers étés étaient plus chaud que la normale » continue-t-il, certain que le phénomène n’est pas exceptionnel. Pourtant, il admet aussi qu’ «  il y a eu des pluies exceptionnelles notamment à Lyon où les records ont étés battus ». « Le réchauffement ne va pas se produire demain, ça a commencé en 1850 et continue tant qu’on va évacuer du CO2 » détaille cependant Jean-Yves Choplin qui estime tout de même qu’il est presque certain que dans les années à venir, les phénomènes extrêmes seront de plus en plus importants. Plus de canicules, plus de vagues de neige... « On va vers des changements.  » Le prévisionniste se veut néanmoins rassurant, « les saisons ont un sens, on n’aura pas dix centimètres de neige à Lille en août.  » Ainsi, d’après Météo-France, l’été que la France a connu en 2021 n’est pas forcément lié au changement climatique. S’il y a bien un phénomène de « goutte froide [1] » qui s’est installé, celui-ci serait plutôt lié à une atmosphère plus chaude qui aurait bloqué les fluides et aurait, de facto, rendu le phénomène pluvieux encore plus intense. D’après le service de météorologie français, « on peut penser que la persistance d’un blocage chaud et sec sur l’est et le nord de l’Europe a empêché les gouttes froides de circuler plus rapidement vers l’est de l’Europe, favorisant ainsi ces épisodes de pluies diluviennes ».

Quelles sont les limites des prévisions ?

Pour comprendre le décalage entre prévisions météo et ressenti, il faut aussi comprendre comment elles sont élaborées. À l’échelle française, il existe approximativement 500 points de mesures. Les prévisions ne pouvant pas se faire directement depuis ces lieux, toutes les informations sont envoyées à Toulouse dont le centre météorologique dispose d’un ordinateur qui recueille les données météorologiques mondiales permettant, à l’aide de formules mathématiques, de donner des prévisions. Même si cet ordinateur compte parmi les plus puissants au monde, il a toutefois ses limites. « Lorsque l’on essaie de prévoir le temps pour un après-midi, ça doit être prévu à deux heures d’échéance », indique le prévisionniste. C’est pourquoi la météo ne peut pas être prévue de manière précise plusieurs jours à l’avance. D’autant plus que même si tous les équipements de Météo-France sont automatiques, les connaissances de l’atmosphère ne sont pas encore assez étendues à l’heure actuelle pour palier aux problèmes de précision dans des zones particulières (micro-climats, montagnes...). C’est ce qui explique que la météo est parfois moins précise en fonction de la zone géographique.

À quoi sert la météo ?

Or, pour certains usagers, la météo est primordiale, notamment dans un contexte professionnel. Par exemple, pour les pompiers, il est primordial de savoir si les routes seront enneigées, pour un agriculteur qui doit faucher les foins, il est nécessaire de prévoir un moment où il ne pleuvra pas durant trois jours... Ainsi, « sept centres régionaux ont pour but d’assurer la veille pour faire de la météo pour les usagers », plus précise. Il existe donc, outre les prévisions grand public, des services météorologiques spécialisés chargés de prévenir les différents secteurs d’activités. Dans les Hauts-de-France, le centre de Villeneuve d’Ascq est spécialisé dans l’aéronautique tandis que celui de Boulogne-sur-Mer est dédié à la marine. Reste que le grand public demeure lui aussi attaché à la présentation du bulletin météo télévisé, que ce soit pour s’habiller le matin ou pour prévoir ses activités du week-end. Soyez rassurés, les journalistes qui la présentent suivent une formation adaptée pour la transcription d’informations au grand public et l’explication des faits météorologiques.

Notes :

[1La goutte froide apporte de l’humidité, ce qui crée des nuages et donc une instabilité qui déclenche de fortes pluies.