Révolution française

Bonnets phrygiens : retour sur 1789

par LEDUC ALAIN
Publié le 3 janvier 2020 à 17:15

Méprisé (parce que mécompris), le mot « révolution  » est un mot qui a enthousiasmé et bouleversé des générations entières d’individus de par le monde, mais aussi un mot qui fait peur à beaucoup de personnes, qu’elles soient timorées ou simplement ignorantes de la marche de l’Histoire. C’est d’ailleurs un terme aujourd’hui trop souvent galvaudé. La plus petite réforme ou innovation, dans quelque domaine que ce soit, étant considérée comme « révolutionnaire ». Des pilules aux aloès ? : un régime (alimentaire) « révolutionnaire » ! Ici, une méthode « révolutionnaire » pour ranger ses paperasses ! Là, un tissu dit « révolutionnaire » parce qu’... infroissable. Autant de dérives sémantiques glanées au fil d’un trottoir. Comment redonner du sens à ce mot ? Et que penser aujourd’hui de l’idéal révolutionnaire ? C’est ce que se demande dans La Révolution expliquée à Marianne l’historien Jean-Marc Schiappa, l’un des meilleurs spécialistes de Gracchus Babeuf.

La Révolution-mère

De nombreuses révolutions ont ponctué l’histoire du monde, mais la Révolution française de 1789 reste la révolution de référence ; elle est la révolution-mère. Pour Schiappa, elle n’est « ni un mythe, ni une fausse révolution ». Révolution bourgeoise ? L’auteur est mitigé à l’égard de cet épithète, rappelant cette verte déclaration de Robespierre (mai 1793) : « les dangers intérieurs viennent des bourgeois ; pour vaincre les bourgeois, il faut rallier le peuple ».

La Révolution expliquée à Marianne
Jean-Marc Schiappa, éditions François Bourin, 240 p., 16 €.
© Droits réservés

L’historien n’élude pas la question de la violence, de la terreur, de la guillotine, incriminant avant tout l’aristocratie, et citant précisément Babeuf : « Les supplices de tous genres, l’écartèlement, la torture, la roue, les bûchers, le fouet, les gibets, les bourreaux multipliés partout, nous ont fait de si mauvaises mœurs ! » S’ensuit immédiatement, sous la plume du communiste picard, cette phrase terrifiante (mais terrifiante de justesse) : « Les maîtres, au lieu de nous policer, nous ont rendus barbares, parce qu’ils le sont eux-mêmes. » Une grande leçon, qui vaut ici et maintenant et sur la plupart des endroits de la planète.

L’analyse est ici fine, subtile et n’évite aucune contradiction. L’auteur évoque ainsi la question religieuse : « Le clergé, quant à lui, est fortement divisé. Il est écartelé entre les deux forces que sont la paysannerie et le bas clergé d’un côté, et le sommet de l’État de l’autre. Sa cohésion est factice ; même les croyances ne sont pas partagées. Athée comme le curé Meslier, paillard comme l’abbé Dubois, cupide comme l’évêque Talleyrand, quelle curieuse image donnent ces clercs ! Le clergé terrestre, celui qui sanctifie la France, fille aînée de l’Église, et qui vit de ses propriétés, très bien pour les uns, chichement pour les curés des paroisses, va disparaître avec la vente des biens de l’Église et la question religieuse va hanter l’histoire de France pendant plus d’un siècle. »

Précisions que cet ouvrage est dédié à Michel Vovelle, immense iconographe (notamment) de la Grande Révolution, qui fut chroniqué dans Liberté Hebdo à plusieurs reprises.