La fabrique de Jeanne d’Arc

Histoire, quand tu nous tiens…

par LEDUC ALAIN
Publié le 14 janvier 2022 à 12:49

Nous avons tous en tête les images du film La Passion de Jeanne d’Arc, de Carl Theodor Dreyer (1928) avec Renée Falconetti (et l’apparition d’Antonin Artaud). Un film culte. Je me souviens aussi du jeu de mots (facile) sur les bancs du collège de Cambrai, sur le nom de l’évêque Pierre Cauchon, qui la fit condamner à être brûlée vive et de nos ironies salaces sur le terme de « pucelle ». Bien curieuse, tout de même, cette histoire de jeune bergère candide qui entend des voix « divines » et se retrouve soudain propulsée à la tête des troupes françaises, non ? Dans une lettrine historiée d’un manuscrit du procès de réhabilitation de la fin du XVe siècle, on peut voir Jehanne, selon l’orthographe de l’époque, habillée en femme, mais tenant déjà une hallebarde et une épée, alors qu’elle pointe du doigt son armure encore à terre. Quel est son aspect sous ce vêtement d’homme ? « Pourpoint noir, chausses estachées, robe courte de gros gris noir, cheveux ronds et noirs et un chapeau noir sur la tête. » Ce livre de Thierry Dehayes, La fabrique de Jeanne d’Arc, gomme de nombreuses zones d’ombres et démontre que la figure de Jehanne, en partie imaginaire et surtout née d’un procès en réhabilitation truqué dans le sens des intérêts de Charles VII, est un mythe plutôt qu’une figure historique. L’auteur tient que la légende dorée de la « bergerette » ou la « pauvre paysanne », « simple », mais capable d’en imposer à la fois aux plus grands chefs militaires de l’époque et aux théologiens est « inacceptable » et « absurde » (ce sont les deux termes qu’il utilise).

Thierry Dehayes, La Fabrique de Jeanne d’Arc, éditions Atlande, 19 €.