C’est en 1949 qu’il est procédé à l’inauguration du Mur des fusillés. Nous sommes le 18 septembre. Le comité d’organisation de la cérémonie a pensé à un invité de marque en la personne d’Édouard Herriot. Figure emblématique du radicalisme et de la IIIe République, Édouard Herriot alors maire de Lyon est convié en sa qualité de président de l’Assemblée nationale. Sans doute regrettera-t-il son déplacement dans la capitale des Atrébates, car rien ne se passera comme prévu.
Appartenance politique ou non
Deux ans auparavant, le 13 juillet 1947, l’inauguration sur place par Vincent Auriol, président de la République, du « poteau des fusillés » avait eu lieu sans incidents. Il s’agissait alors de la « réplique aussi exacte que possible du poteau auquel ils furent attachés », souligne alors Guy Mollet, le député-maire SFIO d’Arras, qui préside le comité d’érection. Il s’agit désormais d’équiper les murs de la citadelle de plaques nominatives commémorant le sacrifice consenti par ces « combattants de l’ombre ». Elles seront financées par voie de souscription. S’agit-il ou non de rappeler les filiations partisanes de chacun de ces martyrs ? Soutenue par le PCF et la CGT, cette prétention fera l’objet de « vives discussions. L’indication de l’appartenance politique posera notamment un problème », expliquait André Démarez, l’une des mémoires du PCF dans le Pas-de-Calais. L’enjeu est de taille quand on sait que « 90 d’entre eux étaient des communistes avérés », révèlera l’historien Christian Lescureux. Finalement, auréolés du prestige acquis durant la guerre, les communistes obtiendront gain de cause.
En opposition au réarmement allemand
L’inauguration se déroulera cependant dans une ambiance houleuse dans le contexte particulièrement tendu de la Guerre froide. Ainsi, lors de son intervention, Auguste Lecoeur, le patron de la puissante Fédération du sous-sol de la CGT, dressera un implacable réquisitoire à l’endroit des aspirations bellicistes de la France et des États-Unis au service d’une « Allemagne nationaliste et revancharde. Nous sommes et resterons du côté des vainqueurs de Stalingrad ». Renonçant à discourir, Guy Mollet dénoncera, un peu plus tard, un « discours polémique » appréhendé comme une violation du « caractère sacré du lieu, une véritable profanation ». Quant à Édouard Herriot, c’est sous les huées des centaines de mineurs présents qu’il quittera le site. Ici, le souvenir de la sanglante répression par l’État de la grève des mineurs de l’automne 1948 et des crimes du socialiste Jules Moch reste prégnant.