Légende de la boxe française

Jean Walczak, star parmi les stars

par Jacques Kmieciak
Publié le 20 novembre 2020 à 12:38

À force de discipline, l’Hersinois Jean Walczak s’est hissé au firmament de la boxe française aux côtés d’un certain Marcel Cerdan. Exilé à Paris à la fin de sa carrière, il est resté fidèle au « pays noir » de son enfance.

Nous sommes le 5 juin 1981 au complexe sportif de Harnes. Jean Walczak reçoit la Médaille d’honneur du Comité olympique polonais des mains de Tadeusz Zych, le consul général de Pologne. À ses côtés figurent les cyclistes Jean Stablinski, Édouard Klabinski et César Marcelak, le boxeur Lucien Krawczyk ou encore le footballeur Bolek Tempowski. Raymond Kopa (football) et Michel Jazy (athlétisme) sont excusés. Comme d’autres sportifs de sa génération, Jean Walczak a échappé, grâce au sport, à l’enfer de la mine.

Un « frappeur énorme »

Originaire de Krotoszyn en Grande Pologne, ses parents se sont installés à l’ombre des terrils de la fosse 2 d’Hersin-Coupigny au début des années 1920. Son père y travaille comme mineur pour le compte de la Compagnie des Mines de Nœux. Né en décembre 1922, Jean Walczak y exerce aussi un temps comme galibot. Mais le cœur n’y est pas. Son salut vient de la pratique de l’art pugilistique florissante, à l’époque, dans les milieux ouvriers. Il « a commencé la boxe très tôt, non par snobisme, mais parce que c’était une manière de bouffer, de survivre », explique son fils Jean-Louis. Jean débute sa carrière en 1938. Sous les couleurs du Central Boxing nœuxois notamment, il en- chaîne les succès en « amateur » et décroche un titre de champion des Flandres « poids mouche ». Passé professionnel en 1943, il poursuit sa carrière à Paris. Il se taille alors une réputation d’invincibilité. Il faut en effet attendre son 32ème combat « pro », en 1946, pour le voir s’incliner, une première fois à Londres contre Danahar. Ce « frappeur énorme », cette force de la nature au caractère bien trempé, célèbre pour sa « capacité à encaisser les coups », est impressionnant de combativité. On le dit « loyal » sur un ring.

Le 9 octobre 1948, il dispose d’Omar Kouidri et décroche le titre de champion de France des welters. Une victoire qui le console d’une défaite, quelques mois plus tôt, au Vel d’Hiv devant 25 000 spectateurs, face à Marcel Cerdan, l’idole de tout un peuple. « Yanek » échoue dans sa conquête du titre de champion d’Europe ; le « bombardier marocain » qu’il admire tant, le met KO au 4ème round ! L’année 1949 marque un tournant dans la carrière de ce boxeur atypique qui faisait volontiers remarquer que « quand je gagnais, j’étais français, lorsque je perdais, j’étais le Polak ». Il s’envole pour. les États-Unis pour y rencontrer les plus grands de sa génération à l’instar des champions du monde Ike Williams ou Sugar Ray Robinson. C’est contre ce dernier devenu un ami qu’il disputera son ultime round à Liège en juin 1951 après s’être incliné, sept mois plus tôt, contre Charles Humez, l’étoile montante de la boxe régionale. Walczak remise en effet les gants à 28 ans seulement. Un arrêt soudain, peut-être lié à la défiance qu’il manifeste à l’égard d’un sport aux pratiques parfois douteuses ? « Mon père a stoppé après avoir refusé de participer à un match truqué. Il a d’ailleurs ensuite interdit à ses deux enfants de boxer », précise Jean- Louis qui deviendra champion d’Europe de... tennis de table.

Stars du cinéma, comme ici Bourvil, et du sport se côtoyaient aux « Amis réunis ».
© DR

Un bistrot dans le XVe

Jean Walczak ouvre alors un bistrot dans le XVe arrondissement de Paris. Il le baptise « Aux sportifs réunis ». Un endroit singulier où se côtoient ouvriers des abattoirs voisins de Vaugirard, vedettes du cinéma et de la chanson... « À l’époque, les boxeurs étaient de vraies stars », rappelle son fils. Ce lieu atypique fleure bon l’ambiance de L’air de Paris, le film de Marcel Carné. Lino Ventura, Bourvil, Marcel Cerdan Junior, Jean-Paul Belmondo, Bernard Blier et Michel Audiard y viennent boire l’apéro. Plus tard, ce sera Renaud ou Michou. Ce café inspire même à Georges Brassens une chanson naturellement intitulée Le Bistrot. À sa disparition en 1989, ses enfants reprendront le commerce pour en faire un restaurant convivial où ripaillent les gars du coin, les amis de passage, d’anciens sportifs, des flics et des militants anarchistes... Tous à se refiler l’adresse sous le manteau. Car ici, on frappe avant d’entrer. Sur les murs de cette cantine populaire à même de ravir les épicuriens, des photos jaunies, amoureusement disposées, rappellent le parcours singulier du paternel. L’une d’elle le figure un casque de mineur vissé sur la tête. Jean Walczak n’a en effet jamais renié ses racines ouvrières. À l’automne 1948, ne multiplia-t-il pas les galas de bienfaisance en solidarité avec les mineurs en grève ? Chapeau Yanek !

Le restaurant « Chez Walczak » se situe 75, rue Brancion à Paris. Tel. : 01 48 28 61 00. À lire : Chez Walczak, un bistrot hors du temps, un lieu historique, de Gérard Letailleur. Préface de Jean-Paul Belmondo. Éditions Dualpha, 21 euros.