© Jacques Kmieciak
À Malines

La caserne Dossin, lieu de mémoire

par JACQUES KMIECIAK
Publié le 3 septembre 2021 à 12:41

Dans la perspective de la publication d’un abécédaire sur le passé de Divion, le Club Histoire tente de reconstituer l’itinéraire d’une famille ouvrière raflée à l’été 1942 par l’occupant. Ses investigations l’ont conduit à la caserne Dossin à Malines en Belgique.

En 1922, Israël Woldszjtan quitte la Pologne pour Divion et ses mines de charbon. Vingt ans plus tard, il y vit encore avec son fils Robert né d’une précédente union, et sa compagne Marianne Bauerfreund. Le 11 septembre 1942, la Feldgendarmerie se présente à leur domicile et procède à leur arrestation. Pour l’occupant nazi et l’administration française collaborationniste, Israël Woldszjtan a le « tort » d’être Juif. La famille est alors, comme des dizaines d’autres israélites de la région, acheminée à Malines.

Israël Woldszjtan est-il revenu dans le Bassin minier à la Libération ?
© Kazerne Dossin Malines

Au temps des persécutions

Malines, à mi-chemin entre Bruxelles et Anvers où vivent les plus importantes communautés juives de Belgique. C’est ici dans une caserne bâtie au XVIIIe siècle que l’administration militaire allemande rassemble Juifs et Tziganes. Dans le Nord-Pas-de-Calais alors placé en « zone interdite » et rattaché au commandement allemand de Bruxelles, les deux communautés sont dans le collimateur de l’occupant. Tout comme en Belgique où les Juifs font très tôt l’objet de mesures discriminatoires (obligation de s’inscrire au registre des Juifs, interdiction d’exercer certaines professions, stigmatisation des hôtels, restaurants et cafés juifs, exclusion des écoles, etc.). Leurs biens, quand ils en ont, leur sont confisqués. Les chômeurs sont tenus au travail forcé. Une mise au ban qui les expose aux violences antisémites comme en témoigne le pogrom d’Anvers d’avril 1941. Le 27 mai 1942, le port de l’étoile jaune leur est imposé. Ces arrêtés antijuifs préfigurent une logique de « solution finale » qui conduit à leur arrestation à compter de l’été 1942.

Les campagnes antisémites se développent en Belgique occupée.
© Jacques Kmieciak

Destins brisés

De juillet 1942 à septembre 1944, 25 250 Juifs et 352 Tziganes en provenance de Belgique et du Nord-Pas-de-Calais sont en transit à la caserne Dossin de Malines, une étape obligée avant leur déportation à Auschwitz-Birkenau. Seuls 5 % échapperont à un funeste destin. Aujourd’hui, un mémorial et un musée évoquent cette page tragique de l’histoire. Ils évoquent sans fard la participation des autorités du royaume et de ses fonctionnaires zélés au processus génocidaire. Ils rappellent aussi que tous les Juifs ne se sont pas présentés en victimes résignés, d’aucuns choisissant la voie de la fuite, de la clandestinité ou de la résistance. Ce n’est pas le moindre des mérites de ces lieux de mémoire situés à une heure trente de Lille.

Appel à témoins

Les 18 000 portraits des déportés qui ornent les murs du musée ont tout autant l’avantage de faire barrage à la déshumanisation et l’anonymisation des déportés. La photo d’Israël Woldszjtan y figure. Contrairement à celles de Marianne et de Robert. Tous deux portés « disparus », ils auraient été exécutés à leur arrivée à Auschwitz. Affectés à différents camps de travail, Israël Woldszjtan aurait lui survécu. « A-t-il regagné Divion en 1945 ? » s’interroge le Club Histoire. Un appel à témoins a été lancé. Pour tout contact : 06 89 55 95 24.

Kazerne Dossin : Goswin de Stassartstraat 153, B-2800 Malines (Mechelen). Tel. : + 32 (0) 15 29 06 60. Site : www.kazernedossin.eu.