© Hervé Thouroude
Histoire

La Commune au présent

par JACQUES KMIECIAK
Publié le 29 octobre 2021 à 13:13

L’historienne Ludivine Bantigny, spécialiste des mouvements sociaux, animera, ce vendredi à Liévin, une causerie [1] autour de son dernier ouvrage [2]. qui traite de la Commune de Paris (mars-mai 1871).

Cette œuvre originale dans sa conception a été imaginée sous forme de lettres de l’auteure à une soixantaine de « communeux » qu’elle interpelle parfois autour de thématiques contemporaines (creusement des inégalités, lutte des Gilets jaunes, détricotage du Code du travail, démantèlement des services publics, etc.). Des « communeux » célèbres comme Louise Michel, Eugène Varlin ou encore Léo Frankel, mais aussi des protagonistes ordinaires « découverts au gré des recherches archivistiques. Des personnages qui m’ont marquée », indique Ludivine Bantigny. Tous, hormis Victor Hugo, ont été des acteurs de cette Révolution écrasée dans le sang par la IIIe République. Ce dernier « n’a pas participé à la Commune. Il a eu du mal à se prononcer vraiment, mais c’est un des rares grands écrivains de l’époque à considérer qu’il y avait dans cette Révolution un espoir de justice… Il a beaucoup protesté contre le massacre de la Semaine sanglante, puis accueilli des survivants à Bruxelles. Il a été critiqué pour ses positions par ses anciens amis comme George Sand ». Aucun opposant à la Commune n’y figure toutefois. « Je n’avais pas particulièrement envie de m’adresser à eux », sourit-elle.

Au service des luttes contemporaines

Et l’universitaire de poursuivre : « C’est une histoire que j’assume comme militante engagée. Je suis admirative du courage de ces hommes et de ces femmes. Je trouve que l’on doit beaucoup à leurs réflexions sur la justice sociale, l’égalité, l’émancipation. » Aussi son ouvrage offre-t-il de mettre l’Histoire au service des luttes émancipatrices contemporaines ? « Je n’ai pas cette prétention, même si ce livre peut être utile à travers ces allers et retours entre passé et présent », convient-elle rappelant que, comme en mai 1968, les références à La Commune subsistent dans les mobilisations récentes (Notre-Dame-des-Landes, Gilets jaunes). Le mouvement ouvrier et le PCF notamment ont toujours entretenu sa mémoire comme l’attestent les rassemblements monstres organisés au Mur des Fusillés en 1936 ou lors du centenaire de 1971. Alors non, « la Commune n’est pas morte » comme le proclamait Jean-Baptiste Clément. « Le peuple de Paris a prouvé qu’il était capable de prendre son destin en mains, de prendre des mesures importantes. Compte tenu de sa fin prématurée, elle a aussi conservé une forme de pureté contrairement aux Révolutions russes ou chinoises qui ont sombré dans l’autoritarisme », poursuit Ludivine Bantigny pour qui la Commune « a aussi été un laboratoire susceptible d’intéresser les jeunes qui réfléchissent aux notions de démocratie directe, d’égalité ou encore de laïcité ». Aujourd’hui encore, elle inspire les pratiques communalistes marquées au sceau de l’anticapitalisme au Chiapas (Mexique) ou au Rojava (Kurdistan syrien).

Notes :

[1Ce vendredi 29 octobre de 18 h 30 à 21 h au LAG, 23, rue Jean-Jaurès à Liévin. Réservation conseillée : contact @ lelag.fr.

[2La Commune au présent, de Ludivine Bantigny, éd. La Découverte, 22 euros

Mots clés :

Commune de Paris