UN SIECLE D'IMMIGRATION POLONAISE

La polonité en quête d’avenir

Publié le 6 septembre 2019 à 17:11

A travers de colorées manifestations culturelles (bals, etc.), sportives (démonstrations gymniques des Sokols, etc.), religieuses (processions), patriotiques (célébration de la fête nationale polonaise) ou partisanes, la polonité s’est longtemps dévoilée de façon ostentatoire. En septembre 1972 encore, la salle du Cantin de Lens fait le plein pour le meeting organisé par la Fédération du sous-sol de la CGT à l’occasion du cinquantième anniversaire de l’arrivée des Polonais.

En voie de dépolonisation

A la même époque, les rassemblements de la Jeunesse catholique continuent d’attirer des milliers de badauds à Vaudricourt... Le précoce pari de la francisation de l’aile gauche de la Polonia en butte à la répression d’État, le vieillissement des cadres du mouvement associatif (KSMP, Dames du Rosaire, etc.) proche du clergé, l’extinction progressive de la sociabilité minière dans un contexte de désindustrialisation, le non-renouvellement de ce courant migratoire, vont entrainer un inexorable déclin.

En 1989, faute de lecteurs en nombre suffisant, Narodowiec , dernier quotidien de langue polonaise en France, cesse sa parution. Quelques mois plus tard, Stéphane Kubiak et François Kmiecik, deux des plus célèbres chefs d’orchestre polonais, remisent leur bandonéon. Tout un symbole ! A la charnière des années 1980 et 1990 une page se tourne ! Désormais, la plupart des Polonais d’origine, et notamment les moins de 50 ans (4e et 5e générations), sont « dépolonisés » .

La plupart ne parlent pas la langue de Mickiewicz, ignorent tout de l’histoire ou de la civilisation polonaises, même si le port d’un imprononçable patronyme en « ski » ou en « iak », le portrait d’une babcia (grand-mère) ou de Jean-Paul II au domicile des parents, le souvenir d’une mélodie des Tatras, la couette de plumes d’oie (pierzyna) héritée des aïeux, les renvoient inévitablement à la réalité de leurs origines.

Une minorité continue cependant courageusement à porter haut l’étendard de la polonité et de l’amitié franco-polonaise, revendiquant comme une richesse sa biculturalité. Aujourd’hui les salons gastronomiques ou les prestations des troupes folkloriques (Culture et Tradition de Courcelles-lès-Lens, Polonia Douai), attirent toujours autant. Et les églises polonaises séduisent désormais une clientèle française de souche !

Des pistes de réflexion

Alors la polonité a t-elle un avenir ? D’aucuns se l’imaginent... Émergence d’une « maison commune » à l’ensemble de la communauté franco-polonaise du Nord-Pas-de-Calais, unification d’un mouvement associatif aujourd’hui extrêmement émietté et divisé, création d’un éco-musée de la Polonia... A l’occasion de ce centenaire (lire : il y a cent ans, l’arrivée des Polonais dans le Nord et le Pas-de-Calais), des pistes sont avancées pour le garantir. Et Pierre Frackowiak d’appeler de ses vœux la constitution « d’une fédération culturelle, d’un vaste mouvement d’éducation populaire, démocratique, ouvert, sans exclusive, qui se doterait d’outils de communication commun ».

La relève assurée ?

Marie Delplace est de la 4e génération d’immigrés polonais. A la mi-mai à Marles-les-Mines, à l’occasion des festivités liées au centenaire de l’arrivée massive des Polonais en France, elle avait revêtu ses plus beaux habits folkloriques polonais pour une prestation, avec les danseuses de la « section expression » de l’AEP Millenium. Pour cette lycéenne de 15 ans, il « est important de préserver ces traditions ». Attachée à ses racines, elle avoue cependant ne pas parler la langue de Mickiewicz.

« Plus jeune, ma grand-mère m’a poussée à l’apprendre, mais j’ai arrêté. Je sais toutefois compter jusqu’à dix » , sourit-elle. Lors des anniversaires, elle entonne aussi volontiers le Sto Lat (Cent Ans) de circonstance. Marie s’est rendue une fois en Pologne du côté de Zakopane, en compagnie de sa grand-mère justement, dont les propres parents étaient originaires de Poznanie. Elle aimerait d’ailleurs « bien retourner dans ce pays qui, d’après ce qu’on m’a dit, aurait beaucoup changé ces dernières années ».

Même son de cloche du côté de Louise Kolodziejski, 31 ans, qui apprécierait se rendre « dans ce pays pour la première fois ». Salariée au Louvre Lens, Louise comprend « quelques mots de polonais ». La polonité ? « Ça fait partie de moi. J’aime l’ambiance qui règne chez les Polonais, le sens de la fête, la gastronomie, la musique », explique t-elle. Et Louise de se féliciter « de célébrer Pâques ou Noël, en famille, en se rendant à la messe de minuit à l’église Saint-Stanislas avec mes sœurs notamment, qui reviennent exprès de Paris pour l’occasion ».