UN SIECLE D'IMMIGRATION POLONAISE

Une histoire ouvrière

par Jacques Kmieciak
Publié le 6 septembre 2019 à 17:10 Mise à jour le 8 septembre 2019

Novembre 1918. La Pologne recouvre son indépendance après 123 années d’occupation. Incapable de mener à terme la réforme agraire tant espérée, le pays, confronté au surpeuplement des campagnes, s’enfonce dans la misère. La petite paysannerie est contrainte à l’émigration vécue comme une « honte » par une partie de la classe politique. Quant à la France, elle sort exsangue de la Première Guerre mondiale. Celle-ci s’est révélée particulièrement meurtrière et destructrice dans une région où s’est établie dès 1914 la ligne de front... Afin de disposer d’une main-d’œuvre nécessaire à son redressement et à la relance de la production charbonnière, la France signe, en septembre 1919, avec la Pologne une convention relative « à l’émigration et l’immigration ».

Les années noires

Elle est le prélude à une arrivée massive de travailleurs polonais dans l’Hexagone où sont établis 500 000 Polonais en 1931. Le Nord et le Pas-de-Calais en concentrent plus d’un tiers. Dans le Pas-de-Calais, huit actifs sur dix exercent dans les mines de charbon. D’emblée, les Houillères tentent d’isoler cette main-d’œuvre en provenance d’Allemagne (Westphalie-Rhénanie) ou directement de Pologne (Galicie, Poznanie, Silésie, etc.) de l’influence jugée pernicieuse du mouvement ouvrier marxisant. Elles encouragent ainsi la venue d’instituteurs et de prêtres qui éduqueront cette population ouvrière dans le culte de Dieu et de la mère-patrie au sein de cités aux allures de ghetto...

Au début des années 1930, la récession qui déstabilise l’économie capitaliste, affecte les étrangers en priorité. Ils ne sont plus les bienvenus ! L’heure est aux rapatriements forcés, souvent vécus de façon dramatique. Un Polonais sur quatre sera contraint au retour.

Préférant se débarrasser de leurs meubles que de les céder à vil prix, ces rapatriés de force improvisent, au cœur des corons, des bûchers qui frappent les esprits. Dans le même temps, la répression s’intensifie à l’endroit des syndicalistes et des communistes. En août 1934, plusieurs dizaines de mineurs (dont Edward Gierek, futur dirigeant de la Pologne populaire) de la fosse 10 de Leforest sont expulsés en raison d’une grève déclenchée au fond du puits. En octobre, c’est au tour du syndicaliste Tomasz Olszanski d’être reconduit à la frontière (voir ci-dessous).

A la Libération, le processus d’assimilation semble figé. La Pologne populaire appelle alors ses ressortissants à participer à l’effort de reconstruction d’un pays exsangue. Seule une minorité répondra à son appel. Les autres font le choix, en partie influencés par le clergé, de l’installation définitive sur le sol français.