Marcelle Witkowski et Christian Medvejdek ont travaillé main dans la main
© Jacques Kmieciak
Bombardement de la fosse 6 d’Haillicourt

Les victimes reconnues « Morts pour la France »

par JACQUES KMIECIAK
Publié le 30 décembre 2022 à 13:35 Mise à jour le 29 décembre 2022

La plupart des victimes du bombardement de septembre 1940 viennent d’obtenir la mention « Mort pour la France ». Une distinction qui ravit Christian Medvejdek, le président de Mémoire d’Haillicourt, qui tente de faire toute la lumière sur cet évènement tragique.

Nous sommes le 28 septembre 1940 à Haillicourt. Depuis mai, la région vit sous occupation allemande. À la fosse 6 de la compagnie des Mines de Bruay, des trieuses s’échinent à la tâche. Il est 18h 30 quand un avion allemand lâche une série de bombes sur le carreau. « La dernière tombe à proximité du criblage, le lieu où les schistes sont séparés du charbon. Elle provoque l’inflammation des poussières de charbon en suspension. Les flammes se répandent jusqu’au moulinage où des ouvriers manœuvrent des berlines. Ce bombardement fera 34 victimes dont un bébé mort-né dans les cendres », souligne Christian Medvejdek.

Les étrangers écartés

C’est avec une certaine fierté et le sentiment du devoir accompli que Marcelle Witkowski lui a annoncé dernièrement que l’ensemble ou… presque des victimes se sont vu attribuer la mention « Mort pour la France » [1]. Charge désormais aux mairies concernées de Bruay-La-Buissière, Haillicourt et Houdain de faire figurer cette mention sur l’acte de décès. Attachée au «  devoir de mémoire  », Marcelle Witkowski est la responsable pour les Hauts-de-France du site MemorialGenWeb. L’objectif de ce portail ? Recenser et honorer les soldats et les résistants qui ont donné leur vie pour la France ou encore les victimes civiles des guerres. Elle précise volontiers que « quatre des tués de la fosse 6 n’ont pas obtenu cette distinction honorifique parce qu’elles n’étaient pas de nationalité française ». Une discrimination jugée « inadmissible » par Christian Medvejdek qui rappelle que « tous ont perdu la vie dans les mêmes circonstances ».

Rétablir des vérités

Soucieux de combler un vide historiographique, ce dernier travaille, depuis plusieurs années, à la rédaction d’un ouvrage sur le sujet, riche en illustrations. «  Des spécialistes de la Seconde Guerre mondiale comme Yves Le Maner ou Étienne Dejonghe n’évoquent pas cet évènement dans leurs récits consacrés à la Seconde Guerre mondiale dans le Nord-Pas-de-Calais », s’étonne un homme attentif à rétablir certaines vérités. « Parmi les témoignages recueillis, j’ai constaté pas mal d’incohérences. Des gens parlaient sans savoir ou répétaient ce que leurs parents disaient  », commente Christian Medvejdek dont les recherches tendent à prouver que « ce bombardement n’est pas un acte délibéré des Allemands » contrairement à une idée encore largement répandue. Et notre historien d’expliquer que « ce jour-là un Junkers Ju 87 (Stuka) pris en chasse par l’aviation anglaise s’est délesté de ses bombes pour prendre de la vitesse. La fosse 6 n’a pas été visée intentionnellement. Les Allemands n’avaient aucun intérêt à le faire. Les Houillères travaillaient pour eux. C’est ma version. Elle va faire grincer quelques dents, mais peu importe  ».

Notes :

[1La mention « Mort pour la France » est accordée par l’Office national des anciens combattants (ONAC) aux victimes civiles et militaires des conflits « dès lors que la preuve est rapportée que le décès est imputable à un fait de guerre, que ce décès soit survenu pendant le conflit ou ultérieurement ».