En quête de témoignages

Solène Brogniart étudie les catastrophes de la Clarence

par JACQUES KMIECIAK
Publié le 22 août 2022 à 12:57

Étudiante en deuxième année d’histoire (L2) à l’université d’Artois à Arras, Solène Brogniart s’est penchée sur les coups de grisou qui affectèrent la fosse 1 de la Clarence à Divion. Ils firent 79 victimes en septembre 1912 et 10 autres en 1954.

C’est dans le cadre d’un « atelier de l’historien » que Solène Brogniart a fait ses premiers pas dans la recherche historique. Ses origines familiales ne sont certainement pas étrangères au choix du sujet. Son grand-père souffrait de silicose. Son grand-oncle Dimitri Kowalczuk a perdu la vie suite à la catastrophe de 1954. « Ça a forcément joué », précise-t-elle. Au départ, son idée est de se livrer à une comparaison entre ces deux drames qui ont marqué l’histoire de Divion et des communes environnantes. « En quelques mois, je n’en ai pas eu le temps  », regrette Solène.

Le poids des mentalités

Pour mener à bien ses investigations, Solène s’est notamment appuyée sur des articles de presse, des études en ligne ou encore des dépositions d’anciens mineurs parues dans le magazine municipal. Et surtout sur le fascicule rédigé par l’abbé Etienne Bodescot, curé de Divion, autour de la catastrophe de 1912, qui a fait 117 orphelins. Un document riche en témoignages de compassion. L’un d’eux émane du pape Pie X... On y apprend aussi qu’un orphelinat de Béthune s’engage alors à accueillir des enfants en accordant « une réduction sur les fraisde pension  » ! Une riche parisienne se dit prête à héberger un orphelin à condition qu’il soit né « de naissance légitime ». Cet ouvrage « nous renseigne sur les mentalités de l’époque. Le poids de la religion est plus important au début qu’au milieu du XXe siècle  », note Solène

Quid des responsabilités ?

Évidemment, les réactions syndicales n’y sont guère mentionnées. Pas plus que la question des responsabilités patronales n’est évoquée. Comme toujours, la « fatalité » a bon dos... Le ministre des Travaux publics Jean Dupuy rend ainsi hommage à ces salariés « tombés victimes des forces brutales de la Nature » ! Ni en 1912, ni en 1954, ces drames « ne feront d’ailleurs l’objet d’un procès », avance Solène. Ni la Compagnie privée des mines de la Clarence, ni le groupe public d’Auchel des HBNPC, qui lui succéda à la Libération en qualité d’exploitant, n’ont donc été inquiétés.

Héroïsation à outrance

En 1912, les autorités cultivent un «  devoir de mémoire en présentant les mineurs comme des héros de la Nation » alors que dans le même temps «  rien n’est fait pour assurer leur sécurité », déplore encore l’étudiante. Alexandre Hernu, le maire de la commune, salue ainsi ces «  braves gens morts au champ d’honneur, ces héroïques pionniers du devoir  ». Tout comme Emile-Louis-Cornil Labbedey, évêque d’Arras, vante le courage de ceux qui « n’abandonnent pas ce sol minier alors qu’il demande du sang en échange des richesses qu’il nous livre  ». Comme s’il s’agissait d’un prix à payer. La palme de l’ignominie revient cependant à l’abbé Bodescot se félicitant d’une reprise prochaine de l’exploitation dans la mesure où l’épreuve a été « pénible pour tous ceux qui ont sacrifié une partie de leur fortune pour installer cette mine  ». Heureux actionnaires...

Appel à témoignages

Solène envisagerait désormais d’approfondir le sujet dans le cadre d’un mémoire de master. Quel a été l’impact social de ces catastrophes ? Comment la corporation minière se perçoit-elle à l’époque ? De quelle manière la mémoire de ces drames a-t-elle été transmise ? Fidèle aux préceptes de la « Nouvelle Histoire », elle compte accorder une attention particulière aux mentalités, aux représentations, aux sensibilités, aux émotions... Elle serait ainsi ravie de recueillir les témoignages de personnes touchées de près ou de loin par la catastrophe de 1954. Elle se dit aussi intéressée par tous types de documents en lien avec ces catastrophes (photos, articles de presse, etc.).