La Revue du Nord publie les actes du colloque de novembre 2017

Elle a 90 ans, la JOC, une page d’histoire ouvrière

par MARC DUBOIS
Publié le 30 avril 2020 à 12:42

« ll y a 90 ans, la Jeunesse ouvrière chrétienne naissait à Lille. » Sous ce titre, la Revue du Nord de l’université de Lille publie(1) les actes du colloque qui s’est tenu en 2017 à la faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de Lille- Moulins, dans le quartier même, industriel, où fut créée la première section de ce mouvement en France, au printemps 1927. La proximité de la Belgique où la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC) est fondée par l’abbé Joseph Cardjin, l’exploitation de dizaines de milliers d’ouvrières et d’ouvriers dans le textile et la métallurgie notamment, la forte présence des paroisses et de leurs patronages dans les quartiers populaires de Lille-Roubaix-Tourcoing, le rôle de théologiens et du cardinal Liénart – un « évêque rouge » selon le patronat - expliquent cette implantation d’un mouvement à l’origine imprégné par l’anticommunisme et l’antisocialisme. Pour l’Église catholique, les années 1920 sont celles de la « reconquête ».

La naissance du Parti communiste ravive son projet de « doctrine sociale », de « révolution chrétienne » prônée par le pape Pie XI. La CFTC est créée en 1919. De nouvelles organisations catholiques entrent en concurrence avec les Jeunesses communistes et les Jeunesses socialistes. La JOC « qui favorise l’organisation des jeunes par eux-mêmes, a pour mission d’attirer au christianisme les jeunes des classes populaires ».

Les analyses d’historiens sur cette époque puis les témoignages de jocistes des années de la Libération à la fin du siècle dernier(2) écrivent une page d’histoire ouvrière vécue par des travailleurs chrétiens, les engagements de ces derniers en politique (du MRP à la Libération) et dans la création d’organisations sociales (devenues CLCV, CSF, LVT aujourd’hui). En 1972 l’épiscopat français reconnaît « la pluralité des options politiques des catholiques et des mouvements ». Certes, « l’invitation de Georges Marchais (...) au rassemblement national de 1974 fait scandale dans l’Église, au-delà des seuls milieux conservateurs ».

Pourtant, « l’appartenance d’anciens militants jocistes à la CGT ou au Parti communiste ne fait plus guère problème, dès lors que se maintient le pluralisme dans la JOC ou l’ACO... ». En témoigne Alain Bruneel, ouvrier à 14 ans, gréviste à 16, en 1968, aujourd’hui député communiste du Nord. « La JOC est passée par là... [Elle] m’a fait confiance... Jamais je n’ai renié ma foi. » La place du« modèle militant » de la JOC est pourtant remise en cause après l’accession au pontificat de Karol Wojtila - Jean- Paul II, en 1978, qui « marque un tournant dans le rapport de l’Église au monde ». Dès lors, « l’action catholique est... invitée à rentrer dans le rang tandis que sont remises en valeur la paroisse et les structures territoriales de l’Église ». Aujourd’hui, dans un « contexte défavorable », d’« incertitude », les responsables des mouvements d’Action catholique rappellent combien la JOC a été « une école d’engagement ». Ils restent convaincus « de ce mode de présence et d’action des chrétiens dans le monde contemporain », selon Bruno Duriez. « Dignes et travailleurs, notre défi de toujours ! » proclame Chali Obounou, président fédéral du mouvement à Lille, en conclusion de ce hors-série référence de la Revue du Nord.