Cheminot, Jacques Kleinpeter habite Paris à l’époque. Il passe les fêtes de Noël avec sa famille à Liévin où il est né. « Je devais aussi fêter mes cinq ans de mariage le 27 décembre 1974. Or, ce fût tout autre », souligne-t-il avec émotion. En effet, « vers 8h, j’ai entendu au transistor qu’un "coup de grisou" venait de se produire. Rapidement, nous nous sommes rendus, mon beau-père et moi, sur les lieux à la fosse 3, dite Saint-Amé. Toute la journée, dans le froid, nous avons attendu après des nouvelles données au compte-gouttes ».
Elles étaient mauvaises. « D’heure en heure, le nombre de tués augmentait… Quand j’ai vu les corbillards arriver avec une multitude de cercueils à l’intérieur, j’ai compris que la catastrophe allait être importante », poursuit-il. Le bilan est terrible : 42 morts, victimes d’un coup de grisou qui a provoqué une explosion de poussières.
Au fer rouge
« Dans l’après-midi, j’ai appris le décès de trois de mes proches : le frère de ma mère Pierre Godart, le parrain de mon épouse Jacques Thery, et Kléber Blanchart, de la famille de mon beau-frère », souligne-t-il. Ils auront droit à des funérailles nationales et aux mensonges de Jacques Chirac.
« Le premier ministre a prétendu que toute la vérité serait faite sur cette catastrophe. Aucune vérité n’est sortie… On notera également l’éviction du juge Pascal qui avait essayé à sa façon de dévoiler un début de vérité. Jamais on ne saura ce qui s’est passé ce jour-là dans la taille des "Six-Sillons" », rappelle Jacques Kleinpeter [1].
Des enquêtes révéleront pourtant des conditions de sécurité défaillantes. Ce jour-là, « le capitalisme m’a marqué au fer rouge pour toute une vie. C’est pour cela, qu’à ma façon, je l’ai toujours combattu ».
Sur l’autel de la rentabilité
Jacques Kleinpeter est aujourd’hui l’un des animateurs du Comité d’initiative pour l’érection d’un mémorial en hommage aux victimes du capitalisme sur le site de l’ancienne fosse 3. Ce comité appelle à un rassemblement ce jeudi 27 décembre à 11h 30, rue des Six-Sillons à Liévin. Il se fera au pied du monument érigé, un an après le drame, par la Commission populaire d’enquête d’inspiration maoïste, en hommage « aux mineurs envoyés à la mort » [2], 42 travailleurs sacrifiés sur l’autel de la rentabilité. Un dépôt de gerbe y sera effectué. Une initiative qui bénéficie du soutien de la section PCF de Grenay ou encore de Christian Champiré, le maire d’une ville qui a perdu cinq des siens lors de cette sinistre journée.