L’idée est née d’une rencontre entre Elsa Petit, l’une des chevilles ouvrières du festival Bobines rebelles qui se tient chaque année à Liévin, et la cinéaste Lise Baron, historienne de formation. Cet été au festival de cinéma de Douarnenez, les deux femmes ont échangé autour de deux de ses documentaires : Étudiants, tous à l’usine ! et Dans nos prisons, une histoire de lutte. Le premier évoque l’établissement en usine de militants de la gauche radicale à l’instar de Robert Linhart qui travailla à l’usine Citroën de Paris. Il relata son expérience dans L’Établi, un ouvrage resté iconique pour toute une génération. Il s’agit alors de contrecarrer l’influence de syndicats jugés « réformistes ».
« Interroger notre société »
Pour Micro-Rebelles, la radio associative dont elle est par ailleurs l’une des animatrices, Elsa Petit a sondé les motivations de Lise Baron, soucieuse d’explorer la question de l’engagement au cours de ces années post-68, particulièrement prolifiques en matière de luttes tant sociales que sociétales. « Les établis pensaient que des usines adviendrait la Révolution. Il m’est paru intéressant de voir comment des gens qui étaient destinés à faire des grandes écoles ont tout lâché pour rencontrer le milieu ouvrier, avec tous les fantasmes qu’il y avait derrière tout ça », confie ainsi Lise Baron. Celle-ci s’est appuyée sur le témoignage d’anciens établis qui y livrent leurs espoirs et parfois leurs désillusions. Avec Dans nos prisons, une histoire de lutte sorti en 2021, Lise Baron s’intéresse cette fois au Groupe d’information sur les prisons cher au philosophe Michel Foucault. À l’époque, des dizaines de militants du mouvement maoïste de la Gauche prolétarienne (GP) sont en prison, en proie notamment à la loi anticasseurs impulsée en 1970 par Raymond Marcellin, le ministre de l’Intérieur. « La GP se rend compte alors qu’il y a un impensé sur les prisons. Elle a lutté en faveur de minorités, des immigrés, sans se préoccuper du sort des prisonniers. Ce questionnement va rencontrer le travail de Michel Foucault, proche de cette mouvance, qui a travaillé sur l’enfermement. Son idée est de faire émerger la parole des prisonniers plutôt que de parler à leur place », poursuit Lise Baron. « Aujourd’hui encore, ces voix interpellent. Elles obligent à regarder en face l’histoire des prisons, et donc à interroger la société », imagine-t-on volontiers du côté du LAG qui, à travers ce type d’initiative, assume pleinement sa mission d’éducation populaire.