La mémoire de la résistance

Cinq questions à Pierre Charret, résistant et communiste

par Franck Jakubek
Publié le 7 mai 2020 à 10:59

Pierre Charret, à 94 ans, est un des derniers résistants de la Seconde Guerre mondiale. Toute l’année scolaire, il va à la rencontre de la jeunesse pour raconter son histoire et l’Histoire pour leur faire goûter à l’amour de la paix et du respect des différences. Confinement oblige, il participait mardi à une vidéo-conférence sur Facebook organisée par ses ami(e)s de la liste « Faisons Wasquehal Ensemble ». Car cet infatigable militant communiste a aussi soutenu une liste de large rassemblement à gauche aux municipales de mars 2020. Le magazine pour la jeunesse Phosphore a également produit une bande dessinée retraçant son histoire, publiée dans son numéro de mai.

Où étiez-vous en septembre 1939 à la déclaration de la guerre ?

Nous avons appris la nouvelle à la radio, lors d’un repas de famille. J’avais 14 ans et demi. Une cousine parisienne venait d’apprendre que son mari était mobilisé. L’annonce de la guerre était d’autant plus douloureuse pour moi que mon père était mort d’une tuberculose qu’il avait ramenée de ses années de guerre, la Première, la Der des Ders...

Lors de l’attaque allemande, le 10 mai 1940, qu’avez-vous ressenti ?

J’étais dans le Limousin. Nous n’avons pas ressenti tout de suite, comme les habitants du Nord, les effets de l’invasion. Je voyais malgré tout le défilé des réfugiés, des soldats qui jetaient leur matériel, fusils, masques à gaz que nous nous empressions de ramasser. À la toute fin de la campagne, je me souviens des bombardements des Italiens sur La Ciotat.

Quel est votre souvenir du 8 mai 1945 ?

Après la Résistance, j’étais engagé « pour la durée de la guerre  » au 13ème régiment d’infanterie. Nous étions alors déployés sur le Front de La Rochelle où les Allemands, comme à Royan ou à Dunkerque, tenaient ferme leurs positions. La veille nous avions réalisé une petite offensive poussant les Allemands au repli. Quand les cloches des églises ont retenti pour sonner la fin du conflit, nous étions dans les champs. Notre unité n’est pas rentrée dans La Rochelle, mais nous avons longuement tiré en l’air pour fêter ça et épuiser nos munitions, contents que nous étions que cette guerre soit finie.

Quand le président parle de « guerre » pour qualifier la pandémie et la période que nous traversons, n’est-ce pas exagéré ?

Ce qui pose beaucoup de questions, c’est la façon dont il traite cette crise. Il montre une volonté de prolonger les conséquences et mettre en cause nos acquis et le programme du Conseil national de la Résistance (CNR). L’intérêt général doit l’emporter sur l’intérêt particulier. Il faut que les services publics reprennent plus de place et que soit rétabli l’impôt sur les grandes fortunes.

Comment estimer l’impact sur les jeunes des deux mois que nous venons de traverser et les inciter à s’impliquer davantage ?

C’est une période très difficile pour la jeunesse, causant un grand préjudice pour la suite de leurs études. Tout comme dans l’éducation nationale. Je ne vois pas comment les enseignants pourront à la fois faire classe et suivre les autres élèves sur internet. Je veux leur dire surtout que nous avons besoin de paix et de conserver nos acquis. Nous attendons beaucoup de l’Organisation des nations unies (ONU) créée à la fin de la Seconde Guerre mondiale justement. Il faut lui donner les moyens de veiller à la question de la paix et de faire face aux défis concernant particulièrement l’environnement. C’est l’ONU qui doit permettre de dépasser les questions de frontières, inutiles pour lutter contre un virus. Ça demande une coordination et une coopération internationales, notamment pour l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Retrouvez ci-dessous la bande dessinée retraçant la vie de Pierre Charret réalisée par le magazine Phosphore :